La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 29 septembre 2022, précise les contours des notions d’intermédiaire et de distributeur d’assurance. Cette décision interprète les directives 2002/92 et 2016/97 à l’occasion d’un litige relatif à la commercialisation d’adhésions facultatives à un contrat collectif. Une personne morale proposait à ses clients d’adhérer volontairement à une assurance de groupe souscrite pour couvrir des risques de maladie à l’étranger. Les clients versaient une rémunération à cette entreprise laquelle reversait ensuite les primes dues à la compagnie d’assurances pour assurer la couverture.
Une entité demanderesse a engagé une action en cessation devant les juges allemands au motif que cette activité nécessitait une autorisation professionnelle spécifique. Le tribunal régional de Coblence a accueilli ce recours lors de la première phase de l’instance judiciaire. Le tribunal régional supérieur de Coblence a infirmé cette décision en estimant que l’entreprise ne pouvait être qualifiée d’intermédiaire d’assurance. Saisie d’un pourvoi, la Cour fédérale de justice a décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur ce modèle économique.
Elle souhaite déterminer si le fait de proposer des adhésions contre rémunération suffit à qualifier l’entreprise de distributeur au sens des directives précitées. La Cour répond que ces dispositions englobent une activité consistant à proposer à des clients d’adhérer sur une base volontaire à une assurance de groupe. L’examen de cette décision permet d’analyser l’élargissement de la qualification d’intermédiaire puis d’étudier la finalité protectrice de cette interprétation pour le consommateur européen.
I. L’extension de la qualification d’intermédiaire d’assurance
A. L’appréciation d’une activité de distribution rémunérée
La Cour retient une définition extensive de l’activité d’intermédiation en se fondant sur les termes généraux des directives de 2002 et de 2016. Elle souligne que ces activités « sont formulées dans des termes larges » et incluent notamment la présentation ou la proposition de contrats d’assurance. Le critère décisif réside dans la perception d’une rémunération par la personne morale en échange de l’adhésion facultative de ses clients.
La juridiction précise que la rémunération peut revêtir « tout avantage économique de toute nature » lié directement à la prestation fournie. Il est indifférent que le versement provienne de l’adhérent lui-même plutôt que d’une commission versée par la compagnie d’assurances concernée. L’intérêt économique propre de l’entreprise suffit à caractériser son rôle de distributeur car il l’encourage à susciter un grand nombre d’adhésions.
B. L’indifférence de la qualité de preneur d’assurance
La décision écarte l’argument selon lequel la qualité de preneur d’assurance interdirait de reconnaître celle d’intermédiaire ou de distributeur de produits d’assurance. Elle affirme que « la qualité d’intermédiaire d’assurance n’est pas incompatible avec celle de preneur d’assurance » dans le cadre de contrats collectifs. La structure juridique du contrat ne doit pas occulter la réalité matérielle de l’activité exercée auprès du public par l’entité.
L’activité de la société permet concrètement à des tiers d’obtenir des garanties d’assurance moyennant le paiement d’un prix spécifique. Cette démarche commerciale s’apparente directement à celle d’un professionnel qui met en relation un assureur et des assurés potentiels pour couvrir des risques. La reconnaissance de ce statut juridique permet d’appliquer les règles de protection du marché et des usagers.
II. Une interprétation téléologique au service du consommateur
A. La garantie d’une concurrence équitable entre opérateurs
La Cour justifie sa solution par la nécessité de garantir une égalité de traitement entre tous les types d’organismes distribuant des assurances. Elle rappelle que les produits peuvent être distribués par différents canaux et qu’il convient de couvrir l’ensemble de ces vecteurs de vente. Cette approche évite que certains acteurs économiques n’échappent aux contraintes réglementaires en utilisant des montages juridiques particuliers comme l’assurance de groupe.
L’imposition des obligations d’immatriculation assure que chaque intervenant dispose de « la fiabilité et de l’expertise nécessaires » en matière de conseil. Le respect de ces exigences professionnelles permet d’instituer des conditions de concurrence loyale entre les intermédiaires classiques et les nouveaux modèles commerciaux.
B. Le renforcement de la protection de l’assuré adhérent
L’objectif principal demeure l’amélioration de la protection des consommateurs qui doivent bénéficier d’un même niveau de sécurité quel que soit le canal. Les juges considèrent que le besoin de protection est « tout aussi important » envers une personne morale incitant à adhérer à un contrat collectif. Cette inclusion garantit l’application de règles de conduite rigoureuses visant notamment à prévenir le risque de conflit d’intérêts lors de la vente.
L’intermédiaire doit désormais respecter des obligations d’information et de conseil afin de s’assurer que le produit correspond réellement aux besoins de son client. Cette solution jurisprudentielle sécurise le consentement des assurés en soumettant les distributeurs atypiques au régime commun de la responsabilité professionnelle.