Cour de justice de l’Union européenne, le 3 décembre 2020, n°C-62/19

Par une décision en date du 3 décembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne définit le cadre juridique des plateformes d’intermédiation. Une entreprise exploite une application mobile mettant en relation des passagers et des chauffeurs de taxi agréés moyennant un abonnement payé par ces derniers. L’administration locale refuse d’autoriser cette activité sans l’obtention préalable d’une licence spécifique imposée aux prestataires de services de réservation de taxis classiques. Saisi du litige, le Tribunal de grande instance de Bucarest sursoit à statuer pour interroger la juridiction européenne sur la conformité de cette législation. La question posée porte sur la qualification de ce service numérique et sur la légalité des restrictions imposées par une autorité publique nationale. La Cour estime que l’activité constitue un « service de la société de l’information » dès lors que le prestataire n’exerce aucun contrôle effectif. Elle précise également que les exigences d’autorisation doivent respecter les principes de non-discrimination et de proportionnalité fixés par le droit de l’Union européenne. Cette étude s’attachera d’abord à la qualification du service avant d’examiner les limites imposées aux réglementations étatiques.

I. La qualification autonome du service d’intermédiation numérique

A. Le critère de l’absence de contrôle sur la prestation de transport

La Cour retient une interprétation stricte de la notion de service de la société de l’information en se fondant sur les modalités réelles d’exploitation. Le juge souligne que le prestataire « ne leur transmet pas les commandes, ne fixe pas le prix de la course ni n’en assure la perception ». Cette indépendance structurelle entre l’intermédiaire et les chauffeurs de taxi constitue l’élément déterminant de la qualification juridique retenue dans la présente espèce. L’application mobile se borne à faciliter la rencontre de l’offre et de la demande sans interférer dans la réalisation concrète du déplacement urbain. Par cette analyse, la juridiction distingue ce modèle de ceux où l’opérateur numérique exerce une influence décisive sur les conditions essentielles du transport.

B. L’inclusion dans le champ de la directive sur le commerce électronique

L’identification du service comme relevant de l’informatique permet d’appliquer les dispositions protectrices de la directive relative au commerce électronique dans le marché intérieur. La Cour confirme que l’activité d’intermédiation, rémunérée par un abonnement mensuel, répond aux critères de la directive prévoyant une procédure d’information technique. Ce rattachement juridique offre une protection accrue aux prestataires numériques face aux réglementations nationales trop restrictives qui pourraient entraver la libre prestation. En revanche, les services de transport pur échappent à ce régime spécifique pour rester sous la compétence partagée des États membres de l’Union. L’analyse de cette nature juridique spécifique permet ainsi d’apprécier la validité des contraintes administratives locales au regard du droit européen.

II. L’encadrement des restrictions administratives nationales

A. L’exclusion de la qualification de règle technique

La décision clarifie ensuite la notion de règle technique pour déterminer si l’État doit notifier préalablement ses projets de réglementation à la Commission. La Cour précise qu’une mesure subordonnant l’activité à une autorisation préalable ne constitue pas une « règle technique », au sens de la disposition applicable. Cette interprétation limite l’obligation de notification aux seules dispositions visant spécifiquement les services de la société de l’information ou les produits industriels techniques. En l’espèce, la réglementation locale s’appliquait déjà aux autres prestataires de réservation, ne créant donc pas d’exigence nouvelle propre au secteur numérique. Cette précision évite une paralysie des autorités locales tout en maintenant une vigilance sur la nature des contraintes imposées aux nouveaux acteurs.

B. L’exigence de proportionnalité des régimes d’autorisation préalable

Les juges européens rappellent que tout régime d’autorisation doit néanmoins satisfaire aux exigences de clarté, d’objectivité et de proportionnalité prévues par le droit. Une réglementation nationale s’oppose aux principes européens si elle impose des « exigences techniques inadaptées au service concerné » par l’intermédiaire d’une plateforme. Il appartient désormais au juge national de vérifier si les conditions d’obtention de la licence locale sont réellement nécessaires à l’objectif de sécurité. La Cour souligne que la liberté d’établissement interdit toute mesure qui entraverait indûment l’accès au marché sans justification sérieuse liée à l’intérêt général. Ce contrôle de proportionnalité protège les innovations technologiques contre des barrières administratives conçues pour des modes de fonctionnement traditionnels et désormais obsolètes.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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