Cour de justice de l’Union européenne, le 3 juin 2021, n°C-76/20

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 3 juin 2021, précise les modalités de classement tarifaire des marchandises composites. Entre décembre 2016 et octobre 2017, une société importe des « gobelets en bambou » originaires de Chine en les classant sous une position exonérée. Un contrôle douanier approfondi révèle une composition mêlant des fibres de bambou, de l’amidon de maïs et de la résine de mélamine-formaldéhyde. L’administration douanière modifie alors le classement vers la catégorie des articles en matières plastiques, soumise à un taux de 6,5 %. La juridiction administrative de première instance confirme cette décision en s’appuyant sur la teneur élevée en liant synthétique. Saisie en cassation, la Cour suprême administrative de Bulgarie annule certains jugements, privilégiant la quantité prédominante des fibres végétales. Face à ces divergences jurisprudentielles, le tribunal administratif de Varna sursoit à statuer pour interroger la Cour de justice. La question posée porte sur l’interprétation de la Nomenclature combinée concernant des produits composés de différentes matières. Il s’agit de savoir si la position la plus spécifique dépend de la quantité de matière ou du caractère essentiel de l’objet. La Cour répond qu’un gobelet contenant de la résine de mélamine doit être classé selon cette matière plastique. La détermination de la règle de classement applicable précède l’appréciation concrète du caractère essentiel de l’objet.

I. La détermination de la règle de classement applicable

A. L’exclusion du critère de la description la plus spécifique

Le juge européen relève que les marchandises en cause sont susceptibles de correspondre à deux positions tarifaires distinctes. La position 3924 vise la vaisselle en matières plastiques tandis que la position 4419 concerne les articles de table en bois. En présence d’un article composite, la règle 3 a) prévoit normalement que la position la plus spécifique prime les positions générales. Toutefois, le texte précise que « lorsque deux ou plusieurs positions se rapportent chacune à une partie seulement des matières constituant un article composite, ces positions sont à considérer comme également spécifiques ». Dès lors, aucune des deux catégories ne saurait l’emporter par sa seule précision descriptive. La Cour refuse de privilégier la position désignant le bambou simplement parce qu’il constitue le volume principal du produit. Cette approche garantit une application rigoureuse des règles générales d’interprétation de la nomenclature douanière. L’impossibilité de désigner une position spécifique impose le recours au critère du caractère essentiel.

B. Le recours nécessaire au critère du caractère essentiel

Cette disposition prévoit que les produits mélangés sont classés d’après la matière qui leur confère leur « caractère essentiel ». Pour établir cette caractéristique, il convient de rechercher si le produit conserverait ses propriétés sans l’un de ses composants. La Cour souligne que le facteur déterminant peut ressortir de la nature de la matière ou de son importance pour l’utilisation. Elle rappelle que le classement repose sur les caractéristiques et propriétés objectives des marchandises importées. Cette méthodologie permet d’assurer la sécurité juridique et la facilité des contrôles douaniers lors des opérations commerciales. L’analyse ne se limite donc pas à une simple comparaison pondérale ou volumétrique des composants. L’étude de l’usage pratique du produit devient alors indispensable pour trancher définitivement le litige en cours. L’analyse technique démontre que la résine plastique assure la fonction primaire de l’objet malgré sa proportion minoritaire.

II. L’appréciation du caractère essentiel des marchandises composites

A. La prévalence technique du liant synthétique

L’expertise judiciaire révèle que la résine de mélamine est l’élément indispensable pour permettre l’utilisation du produit comme contenant liquide. La Cour constate que cette matière plastique est « utilisée pour agglomérer les fibres végétales et confère notamment l’étanchéité, la solidité ou la protection contre les chocs ». Les fibres de bambou, bien que majoritaires, ne fournissent que des propriétés accessoires comme l’isolation thermique ou la biodégradabilité. Sans la résine, la farine de bois ne pourrait conserver sa forme ni assurer sa fonction de service de table. « Si ces marchandises étaient privées de ces composants, elles garderaient les propriétés qui les caractérisent en tant que gobelets ». La fonction utilitaire de l’objet est techniquement dépendante de la phase matricielle du liant synthétique employé par le fabricant. Le juge européen accorde ainsi une importance prépondérante à la structure chimique garantissant la viabilité de l’article de ménage.

B. La confirmation du classement dans la catégorie des matières plastiques

La solution retenue s’aligne sur les notes explicatives du Système harmonisé relatives au classement des produits du chapitre 39. Ces notes précisent que les matières plastiques peuvent contenir des charges telles que la farine de bois ou la cellulose. Dans cette configuration, les fibres végétales jouent simplement « un rôle de matière de charge » destiné à conférer certaines caractéristiques physiques. Le juge confirme que la présence de plastique comme agent agglomérant prédomine juridiquement sur la nature ligneuse des particules. Cette interprétation exclut le classement sous la position 4419, réservée aux articles dont le bois constitue le support structurel. La décision souligne que le taux de liant supérieur à 15 % renforce l’assimilation du produit à un ouvrage en matière plastique. Les gobelets en bambou mélangés à de la mélamine relèvent donc de la sous-position 39241000 de la Nomenclature combinée. Cette jurisprudence clarifie utilement le traitement douanier des nouveaux matériaux composites hybrides circulant sur le marché unique européen.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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