Cour de justice de l’Union européenne, le 3 juin 2021, n°C-914/19

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 3 juin 2021, un arrêt fondamental relatif au principe général d’égalité de traitement. Cette décision examine la conformité d’une limite d’âge imposée par une réglementation nationale pour l’accès au concours de la profession de notaire. Une candidate à cette fonction a contesté son éviction des épreuves écrites en raison de l’atteinte du seuil de cinquante ans requis. Le tribunal administratif régional du Latium a d’abord admis l’intéressée à concourir à titre provisoire avant de déclarer son recours irrecevable. La juridiction de première instance estimait que la réussite du concours faisait perdre tout intérêt à agir contre l’acte administratif de refus. Le Conseil d’État d’Italie, saisi en appel par l’autorité ministérielle, a sollicité l’interprétation de la Cour sur la validité du droit national. Il s’agit de savoir si l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge s’oppose à la fixation d’un plafond chronologique pour accéder au notariat. La Cour répond qu’une telle règle est prohibée si elle ne poursuit pas d’objectifs légitimes ou si elle excède la nécessité de la mesure. L’analyse porte d’abord sur l’existence d’une discrimination directe avant d’évaluer la proportionnalité des justifications avancées par l’État pour limiter l’emploi.

I. La caractérisation d’une discrimination directe par l’application stricte du cadre général de l’égalité de traitement en matière d’emploi

A. L’intégration des conditions de recrutement des officiers publics dans le champ d’application matériel de la directive européenne de protection

La directive 2000/78 tend à établir un cadre général pour assurer à toute personne l’égalité de traitement en offrant une protection contre les discriminations. Ce texte s’applique à toutes les personnes pour le secteur public en ce qui concerne notamment les critères de sélection et les conditions de recrutement. En prévoyant que seuls les candidats de moins de cinquante ans peuvent participer au concours, la loi affecte les conditions d’accès au travail. La réglementation en cause doit donc être considérée comme établissant des règles relatives aux conditions de recrutement au sens de la législation européenne.

B. Le constat d’un traitement défavorable fondé sur le critère de l’âge au regard des dispositions combinées du droit de l’Union

Le principe d’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination directe fondée sur l’un des motifs protégés par le droit de l’Union. La Cour souligne qu’une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre dans une situation comparable. L’application de la loi nationale a pour conséquence que certaines personnes subissent un préjudice car elles ont atteint l’âge de cinquante ans. La juridiction affirme qu’une « telle disposition comporte donc une différence de traitement fondée sur l’âge » prohibée par les principes fondamentaux de la Charte.

II. L’absence de justification objective et raisonnable d’une restriction d’accès aux fonctions notariales par un impératif de proportionnalité

A. L’analyse critique de l’inadéquation entre les objectifs de stabilité professionnelle invoqués et la réalité des mesures nationales contestées

Les États peuvent prévoir que des différences de traitement ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but. L’autorité nationale invoque ici la stabilité de la profession et la viabilité du système de prévoyance sociale pour légitimer l’exclusion des candidats. Toutefois, le droit à pension n’est subordonné qu’à un exercice de vingt ans alors que l’activité peut se prolonger jusqu’à soixante-quinze ans. La Cour observe que les conditions imposées pour préserver la viabilité du système apparaissent indépendantes de cette limite d’âge de cinquante ans.

B. La sanction d’une atteinte manifestement excessive au droit fondamental de travailler sans démontrer de nécessité pour le renouvellement générationnel

L’interdiction de discrimination doit être lue à la lumière du droit de travailler reconnu par l’article 15 de la Charte des droits fondamentaux. Le maintien des travailleurs âgés dans la vie active favorise la diversité dans l’emploi et nécessite une attention particulière des autorités compétentes. La Cour relève qu’un nombre important de postes n’a pas été pourvu lors de la session de recrutement malgré la limite d’âge. La réglementation nationale « paraît aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de faciliter le renouvellement générationnel et le rajeunissement ».

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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