Cour de justice de l’Union européenne, le 3 mars 2016, n°C-12/14

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 21 janvier 2016, un arrêt fondamental concernant la coordination des systèmes de sécurité sociale. Cette affaire oppose une institution de l’Union à un État membre au sujet de l’interprétation du champ d’application matériel des règlements de coordination. Des ressortissants percevaient des pensions de vieillesse issues de régimes de la fonction publique d’un autre État membre non mentionnés dans les déclarations officielles. L’autorité nationale a réduit le montant des prestations locales en appliquant une clause anticumul prévue par sa législation interne relative à la sécurité sociale. L’institution requérante soutient que l’absence de notification par l’État d’origine ne dispense pas l’État d’accueil d’une vérification matérielle de la nature des prestations étrangères. La question de droit posée est de savoir si un État membre est tenu de vérifier lui-même les législations étrangères pour déterminer leur inclusion dans le champ d’application des règlements. La juridiction rejette le recours en considérant que les États ne sont pas investis d’une telle obligation générale de vérification de la législation de leurs partenaires.

I. La force probante des déclarations étatiques de sécurité sociale

A. La présumption de conformité issue de la notification officielle

Les déclarations effectuées par les autorités nationales constituent la pierre angulaire du système de coordination des régimes de prestations sociales au sein de l’Union. La juridiction précise que « ces déclarations créent une présomption que les législations nationales déclarées […] relèvent du champ d’application matériel de ces règlements et lient, en principe, les autres États membres ». Cette règle garantit la stabilité nécessaire aux relations entre les administrations nationales en évitant des remises en cause permanentes des qualifications juridiques étrangères. L’absence de mention d’un régime dans la liste officielle permet légitimement aux autres États de considérer que la législation correspondante demeure exclue du champ d’application. Le principe de coopération loyale oblige chaque État à procéder à un examen diligent de ses propres régimes avant toute notification au président du Conseil.

B. L’encadrement strict du devoir de vérification par l’État d’accueil

L’État membre qui verse une prestation n’est pas investi d’une mission de surveillance systématique des législations adoptées et qualifiées par les autres États partenaires. La décision souligne qu’il ne résulte d’aucun article un devoir de déterminer « de leur propre chef » si une loi non déclarée doit néanmoins être intégrée. Cette interprétation protège l’autonomie administrative et évite d’imposer des charges excessives aux institutions locales lors du calcul complexe des droits à la retraite. Les doutes éventuels sur l’exactitude d’une déclaration doivent être résolus par le dialogue institutionnel ou par la saisine de la commission administrative spécialisée. L’État membre peut également solliciter l’intervention de l’institution requérante pour clarifier la nature juridique des prestations versées par un autre pays membre de l’Union.

II. La préservation de l’équilibre institutionnel et de la sécurité juridique

A. Le refus d’une extension jurisprudentielle des obligations étatiques

L’institution requérante a fondé son recours sur une prétendue obligation générale de vérification qui ne trouve aucun support textuel dans le droit dérivé alors applicable. La juridiction rejette cette analyse en affirmant que l’absence de déclaration ne saurait suffire à établir par elle-même l’exclusion d’une loi du champ d’application. Cependant, cette possibilité de requalification matérielle ne se transforme pas en une contrainte administrative pesant sur les autres États lors de l’application des clauses anticumul. Imposer une telle vérification systématique nuirait gravement à l’efficacité du système de coordination et créerait une insécurité juridique majeure pour les bénéficiaires de prestations. La solution retenue confirme ainsi que la responsabilité de la qualification initiale incombe exclusivement à l’État membre qui institue le régime de sécurité sociale.

B. Le maintien des voies de recours spécifiques pour la résolution des litiges

Le rejet du manquement ne laisse pas les assurés sociaux sans protection juridique face à une éventuelle erreur de qualification d’un régime national étranger. Une juridiction nationale peut toujours être appelée à se pencher sur la nature d’un régime et à « saisir, le cas échéant, la Cour d’une question préjudicielle y relative ». Les recours directs entre États membres demeurent également possibles sur le fondement de l’article deux cent cinquante-neuf du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Cette architecture juridictionnelle assure un contrôle effectif de la légalité tout en respectant les compétences administratives réparties entre les différentes autorités de sécurité sociale. La décision de rejeter le recours dans son intégralité illustre la volonté du juge de maintenir une répartition claire des tâches entre les acteurs.

📄 Circulaire officielle

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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