Cour de justice de l’Union européenne, le 3 mars 2022, n°C-349/20

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 3 mars 2022, précise les conditions d’octroi du statut de réfugié aux apatrides d’origine palestinienne. Le litige oppose des personnes inscrites auprès d’un organisme de secours international aux autorités chargées de l’immigration au sein d’un ancien État membre. Les requérants invoquent des motifs médicaux et sécuritaires graves pour justifier leur départ de la zone d’assistance située au Proche-Orient vers le territoire européen. Le Tribunal supérieur de Londres a sollicité une décision préjudicielle afin d’interpréter les critères d’exclusion prévus par la directive relative aux normes minimales de protection. Les demandeurs soutiennent que la défaillance de l’organisme onusien leur ouvre un droit automatique au statut tandis que l’administration exige une preuve de l’impossibilité de retour. La question de droit porte sur les modalités temporelles de l’évaluation du besoin de protection et sur la nature des manquements imputables aux autorités locales. La Cour retient une analyse actuelle de la situation et rejette l’exigence d’une intention de nuire pour constater la fin de la protection effective.

I. La temporalité et la charge probatoire de la cessation d’assistance

A. Le caractère actuel de l’examen de la protection

L’interprétation de la directive impose aux autorités nationales une analyse globale de la situation de l’apatride au jour où elles se prononcent sur sa demande. Cette approche garantit une protection effective en vérifiant si l’intéressé « peut se prévaloir actuellement d’une telle protection ou assistance » dans sa zone de résidence habituelle. Il appartient ainsi au juge de procéder à « un examen complet et ex nunc » intégrant les éléments nouveaux apparus depuis le départ de l’intéressé. L’évaluation doit notamment porter sur la possibilité pour le demandeur de retourner « au moment où les autorités administratives compétentes examinent une demande d’octroi » de protection. Le maintien du statut de réfugié dépend donc de la persistance de l’état d’insécurité grave qui a initialement contraint la personne à l’exil.

B. Le mécanisme de réversion de la charge de la preuve

Le juge doit déterminer la répartition des obligations probatoires une fois que l’actualité du besoin de protection est établie par le demandeur lors de l’audience. Dès lors que l’intéressé démontre une contrainte initiale de départ, il revient à l’administration d’établir la possibilité d’un retour sécurisé vers l’organisme de secours. La juridiction précise qu’« il appartient à l’État membre […] d’établir que tel est le cas » pour maintenir légalement l’exclusion du statut de réfugié sollicité. Cette répartition équilibrée de la charge probatoire tient compte des difficultés d’accès aux informations relatives à l’évolution des conditions de vie dans les territoires concernés. L’État d’accueil supporte ainsi le risque de la preuve concernant l’amélioration durable des capacités d’assistance de l’institution internationale auprès de laquelle le demandeur était inscrit.

II. L’objectivité de la défaillance et l’intégration des soutiens tiers

A. L’absence d’exigence d’une intention malveillante

L’examen de la légitimité du départ impose également de définir la nature des manquements imputables aux autorités chargées d’assurer la sécurité des bénéficiaires sur place. La cessation de l’assistance résulte d’un constat factuel d’impuissance de l’institution sans qu’il soit requis de démontrer une volonté délibérée de nuire aux personnes protégées. Pour la Cour, « il n’est pas nécessaire d’établir que l’UNRWA ou l’État […] a eu l’intention d’infliger un dommage à cette personne » par son action. L’appréciation demeure strictement objective et se fonde sur l’incapacité de l’agence à « assurer à celle-ci les conditions de vie conformes à la mission » confiée. Cette solution évite de restreindre indûment la protection des apatrides en se concentrant sur la réalité matérielle de l’insécurité plutôt que sur l’élément intentionnel.

B. L’admission conditionnelle de l’aide non gouvernementale

Le concours des organisations non gouvernementales peut pallier les carences institutionnelles si ces interventions s’inscrivent dans un cadre partenarial stable avec les structures de secours. Cette aide est pertinente « à condition que l’UNRWA entretienne avec ceux-ci une relation formelle de coopération revêtant un caractère de stabilité » pour remplir son mandat. Les prestations fournies par des acteurs privés ne sont assimilables à une protection publique que si elles présentent des garanties suffisantes de pérennité et de légalité. Le juge national doit donc vérifier si le demandeur bénéficie concrètement d’un « droit d’accéder, de manière stable, à l’éducation et aux soins médicaux » nécessaires à sa dignité. Seule une assistance structurée et accessible permet de conclure au maintien de la protection effective de l’apatride au sein de sa zone d’origine.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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