Le juge européen a rendu, le 15 mars 2012, une décision précisant le régime juridique applicable aux effluents d’élevage porcin. L’arrêt traite de la distinction entre les notions de déchet et de sous-produit dans le cadre de la directive du 15 juillet 1975. Un exploitant agricole gérait une structure d’élevage intensif dont le lisier était stocké avant d’être cédé à des tiers à des fins de fertilisation. L’autorité administrative nationale avait imposé des conditions strictes de responsabilité au producteur concernant l’utilisation finale de ces substances par les exploitants acquéreurs. Le requérant contestait ces obligations devant la juridiction nationale en invoquant la qualification de sous-produit et l’application d’une législation spéciale non transposée. La juridiction nationale demanda si le lisier constituait un déchet et si le producteur pouvait supporter la charge de la preuve de sa réutilisation. Le juge européen décide que le lisier est un sous-produit si son exploitation ultérieure est certaine, économiquement avantageuse et réalisée sans aucune transformation préalable. Il importe d’étudier la définition matérielle du sous-produit avant d’envisager les modalités de preuve et de responsabilité attachées à cette qualification environnementale.
I. La caractérisation matérielle et intentionnelle du sous-produit
A. La consécration des critères de certitude et d’avantage économique
Le juge européen rappelle que la qualification de déchet résulte avant tout du comportement du détenteur qui décide de « se défaire » d’une substance. Le lisier peut échapper à cette catégorie s’il constitue un véritable sous-produit dont le détenteur entend assurer l’exploitation ou la commercialisation effective. Cette exception exige que la réutilisation ne soit pas seulement éventuelle mais « certaine, sans transformation préalable, et dans la continuité du processus de production ». L’avantage économique tiré de cette opération renforce la probabilité d’une réutilisation effective et permet de considérer la substance comme un produit valorisable. La certitude de l’épandage doit être attestée par des engagements fermes d’acquéreurs identifiés disposant de terrains aptes à recevoir ces effluents d’élevage.
B. L’application résiduelle du régime général des déchets
L’exclusion du champ d’application de la directive générale au profit d’une législation spéciale suppose l’existence de dispositions précises organisant la gestion des substances. L’article 2 de la directive exclut les substances qui sont déjà « couvertes par une autre législation » garantissant une protection au moins équivalente. La directive concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates ne constitue une législation de substitution qu’à la condition d’être transposée. En l’absence de mesures nationales d’exécution, le droit de l’Union impose le maintien du régime général pour garantir un niveau élevé de protection environnementale. Le juge européen refuse ainsi que la gestion des effluents reste soumise à aucune législation en raison d’une carence de l’État dans ses obligations. Cette solution garantit l’application rigoureuse des normes environnementales et soulève la question de la charge probatoire incombant désormais aux producteurs de telles substances.
II. L’aménagement probatoire et les limites de la responsabilité du producteur
A. La validité du transfert de la charge de la preuve à l’exploitant
Le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que le producteur de lisier supporte la preuve que les critères du sous-produit sont satisfaits. Cette solution repose sur le fait que le détenteur est le seul à pouvoir démontrer son intention réelle de ne pas se défaire du produit. Les règles nationales de preuve doivent cependant respecter le principe d’efficacité et ne pas rendre excessivement difficile la démonstration de la qualification juridique. L’exploitant doit apporter des garanties suffisantes quant à l’identification des terrains et à l’utilisation effective des substances pour échapper au régime des déchets. Cette exigence probatoire protège l’intérêt général tout en ouvrant la voie à une délimitation précise des responsabilités juridiques lors du transfert des résidus.
B. L’encadrement strict de la responsabilité du détenteur initial
Lorsque le lisier est qualifié de déchet, l’article 8 de la directive oblige le détenteur à assurer lui-même la valorisation ou à le remettre. Le transfert de la substance à un tiers titulaire d’une autorisation de valorisation libère le producteur initial de ses obligations de surveillance immédiate. La responsabilité de l’épandage incombe exclusivement au nouveau détenteur dès lors que la cession respecte les conditions de régularité prévues par le droit européen. Les autorités nationales ne peuvent donc pas rendre le producteur personnellement responsable du respect de la législation par les exploitants agricoles ayant reçu les déchets. Cette limitation de responsabilité évite de faire peser une charge indue sur les entreprises après qu’elles se sont légalement dessaisies de leurs résidus.