La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 3 octobre 2013, précise le champ d’application personnel de la directive relative aux pratiques commerciales déloyales. Un organisme de droit public, chargé de la gestion d’un régime légal d’assurance maladie, a diffusé sur son site internet des informations erronées concernant les conséquences d’un changement d’affiliation. Une association luttant contre la concurrence déloyale a introduit une action visant à faire cesser cette diffusion et à obtenir le remboursement des frais engagés.
La juridiction de première instance a accueilli la demande de cessation, décision confirmée ultérieurement par une juridiction d’appel nationale. Saisie d’un recours en révision, la haute juridiction allemande s’interroge sur l’assujettissement d’un organisme public dépourvu de but lucratif aux dispositions de la directive 2005/29. L’organisme soutient que sa mission exclusivement sociale et son statut de droit public l’excluent de la qualification de professionnel prévue par les textes européens. L’association de défense de la concurrence affirme au contraire que de telles informations trompeuses nuisent aux intérêts économiques des consommateurs.
Le problème de droit consiste à savoir si un organisme de droit public en charge d’une mission d’intérêt général relève de la notion de professionnel au sens de la directive. La Cour de justice répond par l’affirmative, considérant que ni le statut juridique ni la mission sociale n’écartent l’application des règles protectrices du consommateur. L’analyse portera d’abord sur l’interprétation extensive de la notion de professionnel avant d’examiner l’impératif de protection des intérêts économiques des citoyens européens.
I. L’objectivation de la qualité de professionnel par le juge européen
A. L’autonomie des concepts juridiques de l’Union
La Cour rappelle que les termes d’une disposition du droit de l’Union doivent trouver « une interprétation autonome et uniforme » dans l’ensemble des États membres. Cette exigence d’application uniforme interdit de se fonder sur les qualifications ou les spécificités du droit national pour déterminer la portée d’une norme européenne. La qualification interne de l’organisme public demeure donc dépourvue de pertinence pour apprécier son assujettissement aux règles relatives aux pratiques commerciales déloyales. Le juge s’attache à une analyse fonctionnelle de l’activité plutôt qu’à la nature organique de l’entité concernée par le litige.
B. L’indifférence du statut de droit public de l’entité
Le législateur européen a consacré « une conception particulièrement large de la notion de professionnel » visant toute personne physique ou morale exerçant une activité rémunérée. La directive n’exclut pas de son champ d’application les entités poursuivant une mission d’intérêt général ou celles revêtant un statut de droit public. Un organisme gérant un régime d’assurance maladie légale agit dans le cadre d’une activité qui entre en relation directe avec la fourniture de services. L’absence de but lucratif ne suffit pas à écarter la qualification de professionnel dès lors que l’entité participe à une forme d’opération commerciale.
II. La primauté de la protection des intérêts du consommateur
A. La vulnérabilité structurelle de l’affilié face à l’organisme
La protection du consommateur repose sur le constat qu’il se trouve dans une « position d’infériorité » tant économique que juridique par rapport au professionnel. Les affiliés d’une caisse d’assurance maladie doivent être considérés comme des consommateurs risquant d’être induits en erreur par des communications inexactes. Des informations trompeuses les empêchent de « faire un choix en connaissance de cause » et peuvent les amener à prendre une décision qu’ils auraient normalement évitée. Le besoin de protection est identique, que le consommateur s’adresse à un opérateur privé ou à un organisme public de sécurité sociale.
B. La garantie de l’effet utile de la réglementation européenne
L’interprétation large retenue par la Cour est la seule de nature à assurer le « plein effet » à la directive sur les pratiques commerciales déloyales. En garantissant que les comportements trompeurs soient combattus efficacement, le juge assure un niveau commun élevé de protection au sein du marché intérieur. La Cour confirme que les dispositions européennes sont conçues essentiellement dans « l’optique du consommateur en tant que destinataire et victime » de telles pratiques déloyales. Cette solution renforce la sécurité juridique des citoyens européens face à tout organisme capable d’influencer leur comportement économique par des publicités erronées.