Cour de justice de l’Union européenne, le 3 septembre 2015, n°C-526/13

Le 3 septembre 2015, la Cour de justice de l’Union européenne, dans l’affaire C-526/13, a précisé les conditions d’application de l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée pour l’avitaillement maritime. Dans cette espèce, un opérateur livrait du carburant à des navires de haute mer par l’entremise d’intermédiaires agissant en leur nom propre. L’administration fiscale a refusé le bénéfice du taux zéro car les ventes n’étaient pas conclues directement avec les exploitants des navires concernés. Saisie d’un recours, la commission des litiges fiscaux auprès du gouvernement de la République de Lituanie a interrogé la Cour sur l’interprétabilité de la directive 2006/112. Le juge européen doit déterminer si l’exonération s’étend aux livraisons faites à des intermédiaires lorsque la destination finale des biens est connue d’avance. La Cour répond que l’exonération exclut en principe les intermédiaires mais l’admet si le transfert de propriété coïncide avec la mise à disposition réelle. Cette solution repose sur une interprétation stricte du texte tempérée par une analyse concrète des modalités de transfert de la possession matérielle.

I. Une application strictement encadrée de l’exonération fiscale

A. La confirmation du principe de limitation au stade final La Cour rappelle d’abord que les opérations d’avitaillement des bateaux sont assimilées à des exportations et doivent donc bénéficier d’une interprétation uniforme et rigoureuse. Elle affirme que « l’exonération prévue à l’article 148, sous a), de la directive 2006/112 ne peut être étendue aux livraisons de ces biens faites à un stade antérieur ». Cette restriction vise à garantir la simplicité administrative en évitant la mise en place de mécanismes complexes de contrôle et de surveillance de la destination. Le juge considère que de tels dispositifs « se traduiraient par des contraintes qui seraient inconciliables avec l’application correcte et simple des exonérations » prescrite par le droit. Une livraison faite à un intermédiaire qui acquiert les biens pour les revendre n’intervient pas au dernier stade de la chaîne commerciale de distribution.

B. Le refus d’une extension par analogie au secteur aérien La juridiction de renvoi s’interrogeait sur la possibilité de transposer la solution retenue pour la livraison d’aéronefs, laquelle autorise parfois une exonération aux stades antérieurs. La Cour rejette cette analogie en soulignant que le carburant et les avions ont des natures radicalement différentes ne justifiant pas un traitement juridique identique. Elle précise que l’application de l’exonération dépend de l’existence de règles communes d’immatriculation garantissant l’utilisation effective du bien par l’acquéreur final pressenti. Or, il n’est pas établi qu’il existe dans l’ensemble de l’Union des mécanismes communs permettant de certifier l’usage exclusif des biens d’avitaillement maritime. Le respect de l’objectif de simplification administrative impose donc de maintenir une distinction entre les régimes applicables aux différents moyens de transport international.

II. Une approche pragmatique fondée sur le transfert de contrôle

A. La primauté du pouvoir de disposer matériellement du bien Malgré la rigueur du principe énoncé, la Cour déplace l’analyse vers la notion de livraison de biens définie par l’article 14 de la directive européenne. Cette notion autonome ne se réfère pas au transfert de propriété formel mais à toute opération habilitant une partie à disposer du bien comme propriétaire. Le juge rappelle que la livraison inclut « toute opération de transfert d’un bien corporel par une partie qui habilite l’autre partie à en disposer, en fait ». Dans l’espèce commentée, bien que les intermédiaires soient propriétaires selon le droit national, ils n’ont jamais eu la capacité physique de disposer des produits. Le pouvoir de disposition effective a appartenu aux exploitants des bateaux dès que le fournisseur a procédé au chargement du combustible dans les réservoirs.

B. La qualification de livraison directe justifiée par le chargement La Cour conclut que l’exonération peut s’appliquer si le transfert de propriété aux intermédiaires intervient au plus tôt au moment où l’exploitant prend le contrôle. Elle relève que « à compter du moment où un carburant est chargé dans le réservoir d’un bateau, son exploitant est normalement censé être habilité à en disposer ». Si le transfert juridique est concomitant à cette remise matérielle, l’opération doit être regardée comme une livraison directe faite à l’exploitant du navire. Cette requalification permet de concilier le respect de la chaîne commerciale formelle avec la réalité économique de l’avitaillement effectué sans manipulation par les courtiers. Il appartient alors au juge national de vérifier si les circonstances de fait confirment cette absence de pouvoir de disposition intermédiaire sur le carburant.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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