Cour de justice de l’Union européenne, le 30 avril 2014, n°C-238/12

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 30 avril 2014, précise les conditions d’imputation des pratiques anticoncurrentielles au sein d’un groupe. Une société mère détenait la quasi-totalité du capital d’une filiale ayant participé activement à une entente secrète sur le marché des sacs industriels en plastique. L’autorité de concurrence a sanctionné solidairement les deux entités, considérant que la société de tête exerçait une influence déterminante sur sa structure opérationnelle dépendante. Après un premier recours infructueux devant le Tribunal de l’Union européenne, la société mère a formé un pourvoi afin de contester fermement cette responsabilité automatique. Le litige porte principalement sur la force probante de la présomption d’influence découlant de la détention quasi intégrale du capital social par la direction de tête. La haute juridiction européenne devait déterminer si les éléments apportés suffisaient à renverser cette présomption ou si les premiers juges avaient commis une erreur manifeste. En rejetant le pourvoi, la Cour affirme que « le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en concluant que la requérante formait une entreprise » avec sa filiale. L’étude de cette décision permet d’analyser l’unité économique du groupe avant d’envisager la validation du contrôle exercé sur la motivation des sanctions pécuniaires.

I. L’affirmation de la responsabilité unitaire au sein du groupe de sociétés

A. La solidité de la présomption d’influence déterminante

La jurisprudence européenne consacre une conception extensive de l’entreprise, perçue comme une unité économique malgré la dualité des personnalités juridiques distinctes au sein du groupe. La Cour rappelle que « la détention de la quasi-totalité du capital d’une filiale permet de présumer l’exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement de celle-ci ». Cette règle dispense l’autorité de la concurrence de rapporter la preuve directe d’instructions précises données par la direction générale pour la mise en œuvre de l’infraction. Les juges considèrent que le lien capitalistique étroit suffit à établir une communauté d’intérêts rendant la société mère responsable des agissements de ses structures opérationnelles subordonnées. La présomption repose sur l’idée que le parent exerce nécessairement un contrôle structurel sur la stratégie commerciale et les décisions fondamentales de sa branche d’activité.

B. L’exigence de preuves probantes pour le renversement de la présomption

Le renversement de cette présomption impose à la société requérante de produire des éléments concrets démontrant une autonomie réelle de la filiale sur le marché concerné. Les arguments relatifs à l’absence d’implication directe ou à l’ignorance des ententes frauduleuses sont régulièrement jugés insuffisants par les magistrats de la juridiction de Luxembourg. La Cour souligne que « la charge de la preuve incombe à la partie qui entend renverser la présomption en apportant des indices sérieux d’indépendance organisationnelle ». Le Tribunal de l’Union européenne n’est pas tenu d’examiner chaque document mineur si l’ensemble des faits ne permet pas de rompre le lien de contrôle effectif. La rigueur de cette solution renforce l’efficacité de la répression en empêchant les sociétés de tête de se protéger derrière un écran juridique opaque.

II. La validation du contrôle juridictionnel sur la motivation des sanctions

A. La conformité de l’arrêt du Tribunal aux exigences de motivation

L’institution judiciaire européenne vérifie scrupuleusement que les premiers juges ont répondu à l’ensemble des moyens soulevés lors de la procédure de première instance. La décision confirme que le Tribunal n’a pas l’obligation de fournir un exposé exhaustif sur chaque argument dès lors que son raisonnement demeure clair et cohérent. Les juges d’appel estiment que « le Tribunal a exposé à suffisance de droit les raisons pour lesquelles il a rejeté les griefs formulés par la partie requérante ». La motivation par référence ou par implication est admise lorsque la solution découle logiquement de l’examen des éléments factuels et des principes de droit applicables. Cette approche garantit la sécurité juridique tout en évitant une surcharge procédurale inutile lors de l’examen des recours complexes en matière de droit de la concurrence.

B. Les conséquences de la solution sur la notion d’entreprise unique

Le rejet du pourvoi consolide la portée du concept d’entreprise unique, lequel transcende les frontières classiques du droit des sociétés pour favoriser l’efficacité du droit public. Cette décision confirme que les sanctions financières peuvent être calculées sur la base du chiffre d’affaires global du groupe, augmentant ainsi significativement le montant des amendes. La Cour de justice valide une politique jurisprudentielle sévère visant à dissuader les grands groupes industriels de tolérer des pratiques restrictives de concurrence en leur sein. « L’imputation d’une infraction à la société mère dépend de l’influence exercée et non de sa participation directe aux actes litigieux » selon la formulation retenue. La solution incite les directions générales à mettre en place des programmes de conformité internes rigoureux pour surveiller étroitement les activités de leurs filiales européennes.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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