La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 4 juin 2015, une décision importante concernant la coordination des régimes de sécurité sociale. Cette affaire concerne les modalités précises de conversion monétaire nécessaires au calcul d’un complément différentiel d’allocations familiales entre deux États membres. Un travailleur salarié exerçait son activité professionnelle sur le territoire helvétique tout en résidant habituellement en Allemagne avec son épouse et ses trois enfants. L’organisme national compétent a exigé le remboursement d’allocations versées à taux plein avant de proposer ultérieurement l’octroi d’un montant différentiel. L’intéressée soutenait que la conversion devait s’effectuer selon les règlements récents tandis que l’administration appliquait les anciennes dispositions de manière analogique. Un litige est né concernant le choix du taux de change applicable pour convertir les prestations perçues dans la monnaie de l’État de résidence. La juridiction de renvoi a donc interrogé la Cour sur l’interprétation des règlements communautaires successifs régissant ces opérations financières complexes. La Cour juge que le règlement n° 574/72 demeure applicable aux faits et impose l’usage du taux de change du jour du paiement. Ce commentaire analysera d’abord la détermination du cadre juridique applicable avant d’étudier la mise en œuvre concrète du mécanisme de conversion monétaire.
I. La détermination du cadre juridique applicable
Le juge européen doit identifier la norme régissant la situation transfrontalière afin de garantir la sécurité juridique des administrés et des institutions.
A. Le maintien temporel du règlement d’application n° 574/72
La Cour précise que les règlements n° 883/2004 et n° 987/2009 ne s’appliquent à la Confédération suisse qu’à partir du premier avril 2012. Les prestations litigieuses couvrent une période antérieure s’étendant d’octobre 2006 à novembre 2011, ce qui justifie l’application exclusive des anciens textes. « Le droit à ces prestations est ainsi régi par les dispositions des règlements n° 1408/71 et 574/72 » selon l’interprétation littérale des juges. L’accord sur la libre circulation des personnes impose cette continuité législative pour les droits nés sous l’empire de la réglementation précédente. Une fois la législation applicable déterminée, il convient de rechercher si des règles de conversion spéciales s’appliquent à la situation d’espèce.
B. L’éviction des modalités de conversion spécifiques
L’article 107 du règlement n° 574/72 énumère les dispositions bénéficiant de modalités de conversion définies par les autorités de l’Union européenne. La Cour relève que cet article « ne se réfère ni à l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1408/71, ni à l’article 73 ». En l’absence de mention expresse du texte fondant le droit aux allocations familiales, le juge refuse toute application par analogie de ces règles. Cette rigueur textuelle conduit à l’usage subsidiaire du paragraphe 6 de l’article 107 pour régir la conversion monétaire des prestations en cause. Cette identification rigoureuse du texte applicable permet alors à la Cour de préciser les modalités temporelles de l’opération de change financier.
II. La mise en œuvre du mécanisme de conversion
La solution retenue par la Cour assure une application uniforme du droit de l’Union tout en simplifiant les calculs pour les organismes nationaux.
A. L’application du cours de change officiel au jour du paiement
Le règlement dispose que la conversion monétaire s’effectue au cours de change officiel du jour où le paiement de la prestation intervient. La Cour rejette les arguments fondés sur la simple commodité administrative au profit d’une lecture stricte de la disposition technique applicable. « Le libellé de l’article 107, paragraphe 6, du règlement n° 574/72 » lie de manière inconditionnelle la conversion à l’acte matériel du versement. Cette méthode assure la sécurité juridique en fixant un point de référence temporel incontestable pour les bénéficiaires et les administrations nationales. Le choix du cours de change officiel impose également d’identifier précisément l’événement financier déclencheur parmi les différents versements effectués.
B. La désignation de l’État d’emploi comme référent temporel
Le juge considère que seul le paiement effectué par l’État d’emploi présente un caractère certain au regard des règles de priorité applicables. Le versement par l’État de résidence demeure incertain puisqu’il dépend du montant perçu à l’étranger et converti dans la monnaie nationale. Cette interprétation garantit « l’effet utile des règles anticumul » en assurant au bénéficiaire un montant total identique à la prestation la plus favorable. La date de perception effective des allocations dans l’État membre d’activité constitue donc le critère temporel unique de la conversion monétaire.