Cour de justice de l’Union européenne, le 30 avril 2014, n°C-390/12

    La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 30 avril 2014, une décision portant sur la compatibilité d’un monopole national des jeux de hasard. Cette affaire trouve son origine dans des contrôles de police ayant entraîné la saisie de machines à sous exploitées sans l’autorisation préalable requise par la loi.

    L’autorité administrative de Perg a adopté, le 12 juin 2012, des décisions confirmant la saisie provisoire du matériel appartenant à une société établie dans un autre État. La direction de la police de Wels a pris, en juillet 2012, une mesure similaire contre un propriétaire étranger possédant deux appareils de jeu interdits.

    Des décisions de confiscation furent ordonnées en décembre 2010 à Vöcklabruck à l’encontre d’exploitants de stations-service ne possédant aucune concession légale de jeux de hasard. Les exploitants et les propriétaires ont alors formé des recours devant la juridiction administrative régionale pour contester la légalité de ces mesures de sûreté.

    Les requérants soutenaient que la réglementation nationale restreignant l’accès au marché des jeux de hasard était disproportionnée et contraire à la libre prestation des services. Le juge de première instance a relevé que les autorités n’établissaient pas l’existence d’un problème considérable lié à la criminalité ou à l’assuétude.

    Il a donc saisi les juges de Luxembourg d’une question préjudicielle afin d’apprécier la conformité du système de concessions au regard des traités de l’Union européenne. Le problème de droit résidait dans l’appréciation du caractère proportionné d’une réglementation nationale limitant les libertés économiques par des objectifs de protection des consommateurs.

    La Cour affirme qu’une telle législation est incompatible avec le droit de l’Union si elle ne poursuit pas ses objectifs d’une « manière cohérente et systématique ». L’étude du sens de cette décision permet d’analyser l’exigence de cohérence des restrictions étatiques avant d’apprécier la valeur de l’articulation entre libertés et droits fondamentaux.

**I. L’exigence de cohérence dans la restriction à la libre prestation des services**

    **A. La qualification d’une restriction à la libre prestation des services**

    L’exploitation de machines à sous sans autorisation administrative constitue une « restriction à la libre prestation des services » telle que garantie par l’article 56 du traité. Une telle entrave peut toutefois être admise si elle répond à des raisons impérieuses d’intérêt général comme la protection des consommateurs ou l’ordre public.

    Les États membres disposent d’un pouvoir d’appréciation suffisant pour déterminer le niveau de protection qu’ils entendent assurer sur leur territoire national dans ce secteur. Cependant, cette faculté de restreindre les libertés de circulation ne saurait être invoquée pour justifier une simple maximisation des recettes fiscales de la puissance publique. La reconnaissance de cette entrave par les juges européens impose dès lors une vérification rigoureuse de son aptitude à atteindre les objectifs de protection effectivement invoqués.

    **B. Le contrôle de la proportionnalité du régime restrictif**

    Une législation nationale n’est propre à garantir l’objectif de protection que si elle y répond « d’une manière cohérente et systématique » selon la jurisprudence constante. Le juge national doit ainsi s’assurer que le régime ne vise pas secrètement l’intérêt du Trésor public au détriment de la lutte contre l’assuétude au jeu.

    L’État membre cherchant à justifier une telle entrave doit fournir tous les éléments permettant de vérifier que la mesure satisfait bien au principe de proportionnalité. Si la politique commerciale des titulaires du monopole s’avère agressive et incite au jeu, la cohérence globale de la législation se trouve alors irrémédiablement compromise. Cette exigence de proportionnalité conduit logiquement à s’interroger sur le respect des droits fondamentaux par les mesures restrictives adoptées dans le cadre de ce monopole.

**II. L’articulation des libertés économiques avec les droits fondamentaux**

    **A. L’applicabilité de la Charte lors de la mise en œuvre du droit de l’Union**

    Les droits fondamentaux garantis par la Charte s’appliquent dès lors qu’une réglementation nationale entre dans le champ d’application de l’ordre juridique de l’Union européenne. L’invocation d’une exception aux libertés fondamentales pour justifier une entrave constitue une mise en œuvre du droit de l’Union au sens de l’article 51.

    Ainsi, la restriction doit non seulement respecter les traités mais également se conformer à la liberté professionnelle et au droit de propriété des opérateurs économiques. Un examen séparé au titre des articles de la Charte n’est toutefois pas nécessaire si l’entrave est déjà jugée disproportionnée au regard de la prestation de services.

    **B. L’impossibilité de sanctionner la violation d’un régime national incompatible**

    La juridiction précise qu’une réglementation nationale ne saurait être opposée à un individu si elle a été adoptée en violation flagrante des libertés de circulation. Par conséquent, les autorités ne peuvent légalement infliger des sanctions administratives ou pénales à un entrepreneur pour l’exploitation non autorisée de machines à sous illicites.

    La Cour juge que la violation d’un régime incompatible avec le traité « ne peut pas faire l’objet de sanctions » à l’encontre d’un opérateur économique. L’incompatibilité du système restrictif interdit toute mesure de confiscation, de destruction du matériel ou de fermeture définitive de l’établissement contrôlé par la police financière.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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