La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 30 avril 2020, une décision concernant l’application temporelle des directives relatives à la taxe sur la valeur ajoutée. Le litige portait sur le droit à déduction d’une taxe acquittée pour des prestations réalisées avant l’adhésion d’un État membre à l’Union européenne. Une société avait conclu des contrats d’entreprise en 1996 et 1997 pour la réalisation de travaux de réseaux de télécommunications. Un différend persistant sur le montant du prix convenu entraîna une procédure judiciaire prolongée devant les juridictions nationales compétentes. La Cour d’appel régionale de Budapest-Capitale condamna le preneur au paiement du solde par un arrêt du 17 septembre 2004. La Cour suprême de Hongrie confirma cette condamnation par une décision du 5 octobre 2010, provoquant le paiement effectif de la somme due. L’administration fiscale refusa pourtant la déduction de la taxe au motif que le délai de prescription de cinq ans était déjà expiré. La juridiction de renvoi s’interrogeait sur la compatibilité de cette prescription avec le principe de neutralité fiscale garanti par le droit de l’Union. La Cour de justice déclare son incompétence car le fait générateur de la taxe est intervenu avant l’entrée de l’État dans l’Union.
I. L’incompétence de la Cour fondée sur l’antériorité du fait générateur
A. Le critère déterminant du fait générateur pré-adhésion
La Cour rappelle que sa compétence d’interprétation est limitée aux situations régies par le droit de l’Union à partir de la date d’adhésion. Elle souligne que « le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée ». En l’espèce, les travaux litigieux furent réalisés en 1998, soit avant l’intégration de la Hongrie au sein de l’espace européen commun. L’exigibilité de la taxe se trouvait donc fixée à une période où les directives communautaires n’étaient pas encore applicables sur ce territoire. Cette antériorité du fait générateur constitue le pivot central du raisonnement juridique suivi par les juges de la dixième chambre.
B. L’indifférence des circonstances factuelles postérieures à l’adhésion
La détermination judiciaire du prix définitif en 2010 ne saurait modifier la qualification temporelle de l’opération initiale soumise à la taxe. La Cour affirme que l’existence d’éléments postérieurs à l’adhésion ne suffit pas à fonder sa compétence si ces faits se rattachent à une situation antérieure. Elle précise que « l’ensemble de ces faits se rattachant de manière indissociable à une prestation de services dont il est constant qu’elle a été effectuée avant cette adhésion ». Le litige civil portant sur le montant du prix n’interfère pas avec la date de réalisation matérielle de la prestation de services. L’émission tardive de la facture et le paiement différé sont ainsi considérés comme de simples conséquences de circonstances précédant l’adhésion.
II. La limitation temporelle du contrôle de la Cour de justice
A. Le lien indissociable entre l’exigibilité et le droit à déduction
Le droit à déduction de la taxe est étroitement lié, sur les plans matériel et temporel, à l’exigibilité de la taxe due en amont. Les juges rappellent que ce droit s’exerce en principe au cours de la même période que celle pendant laquelle il a pris naissance. Ils soulignent avec force que « le droit à déduction de la TVA s’exerce, en principe, au cours de la même période que celle pendant laquelle il a pris naissance, à savoir au moment où la taxe devient exigible ». Dès lors que l’exigibilité est née sous l’empire du droit national pur, les modalités d’exercice du droit à déduction lui échappent nécessairement. La Cour refuse ainsi d’étendre son contrôle à des mécanismes de déduction dont la source juridique est étrangère au droit de l’Union.
B. La préservation de l’autonomie procédurale nationale
En se déclarant incompétente, la Cour laisse aux seules autorités nationales le soin de régler les modalités de prescription du droit à déduction. Elle confirme sa jurisprudence antérieure qui refuse d’interpréter des directives lorsque la période de recouvrement des taxes litigieuses précède l’adhésion de l’État. L’arrêt énonce clairement que « la Cour n’est pas compétente pour répondre aux questions posées, dans la mesure où celles-ci visent l’exercice du droit à déduction relatif à une prestation de services réalisée avant l’adhésion ». Cette solution garantit le respect de la souveraineté fiscale des États membres pour les situations juridiques nées avant leur intégration européenne. Elle évite ainsi une application rétroactive du droit de l’Union qui pourrait déstabiliser la sécurité juridique des relations fiscales nationales anciennes.