Cour de justice de l’Union européenne, le 30 avril 2020, n°C-584/18

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 6 octobre 2021, une décision fondamentale concernant l’articulation entre le contrôle aux frontières et le transport aérien. Ce litige concerne un passager s’étant vu refuser l’embarquement par une compagnie aérienne qui invoquait l’insuffisance de ses titres de voyage pour entrer dans l’État membre de destination. Le voyageur, titulaire d’un visa de court séjour délivré par un autre État, contestait ce refus devant les juridictions nationales en invoquant le droit de l’Union. La juridiction saisie en première instance a sollicité une interprétation préjudicielle afin de déterminer l’invocabilité de la législation européenne par les particuliers contre un transporteur aérien privé. La Cour devait préciser si une décision simplifiant le contrôle aux frontières produit un effet direct et si une compagnie peut être assimilée à une émanation étatique. Il convenait également de statuer sur les garanties procédurales dues au passager et sur la validité des clauses limitatives de responsabilité insérées dans les conditions générales. Les juges affirment l’effet direct de la norme tout en refusant de qualifier le transporteur d’autorité publique, imposant néanmoins le respect d’un formalisme strict.

I. L’invocabilité de la norme européenne et la nature juridique du transporteur

A. La reconnaissance de l’effet direct de la décision relative au contrôle frontalier

La Cour de justice précise que les dispositions relatives au régime simplifié de contrôle des personnes aux frontières extérieures engendrent des droits individuels au profit des voyageurs. Elle considère que « l’article 3, paragraphe 1, de la décision n o 565/2014 […] produit un effet direct et engendre, au profit des ressortissants de pays tiers, des droits ». Ces ressortissants peuvent se prévaloir de ces prérogatives à l’encontre de l’État membre de destination dès lors qu’ils détiennent des titres de séjour reconnus. La clarté et l’inconditionnalité de l’obligation de reconnaissance unilatérale imposée aux États concernés justifient cette force obligatoire immédiate dans l’ordonnancement juridique interne. Cette interprétation garantit l’efficacité du droit de l’Union en permettant aux individus de contester l’exigence indue d’un visa national devant les juridictions compétentes.

B. Le refus de qualifier le transporteur aérien d’émanation de l’État membre

Le juge européen refuse d’assimiler une compagnie aérienne privée à une autorité publique, même lorsqu’elle effectue des contrôles de documents imposés par la loi. Un transporteur qui refuse l’embarquement en invoquant un refus d’entrée « ne saurait être considéré comme agissant en tant qu’émanation dudit État » de destination. Par conséquent, le passager lésé ne peut opposer directement la décision européenne au transporteur pour obtenir réparation de la violation de son droit d’entrée. Cette distinction préserve l’autonomie des acteurs privés tout en limitant la responsabilité solidaire entre les entreprises de transport et les administrations nationales de contrôle. Le droit de l’Union n’impose pas aux sociétés commerciales les mêmes obligations d’invocabilité verticale que celles pesant sur les structures rattachées à la puissance publique.

II. Le renforcement des garanties du passager face au refus d’embarquement

A. L’obligation de notification d’une décision de refus d’entrée écrite et motivée

La jurisprudence souligne l’importance des garanties procédurales en exigeant que tout refus d’entrée sur le territoire fasse l’objet d’un acte formel et dûment notifié. Le droit de l’Union « s’oppose à ce qu’un transporteur aérien refuse l’embarquement […] sans que ce refus d’entrée ait fait l’objet d’une décision écrite ». Cette exigence de motivation, prévue par le code frontières Schengen, protège le passager contre les décisions arbitraires prises unilatéralement par le personnel au sol. L’absence d’une notification préalable prive le voyageur de la possibilité de contester utilement la mesure et de comprendre les motifs juridiques de son éviction du vol. La Cour impose ainsi un formalisme protecteur qui lie l’action du transporteur à l’existence d’un acte administratif préalable émanant des autorités de l’État.

B. La préservation du droit à indemnisation malgré l’invocation de documents inadéquats

Le règlement relatif à l’indemnisation des passagers demeure applicable même si le transporteur invoque le caractère inadéquat des documents de voyage présentés lors du contrôle. Un refus d’embarquement pour ce motif « ne prive pas, en lui-même, ce passager de la protection prévue » par la législation européenne relative aux retards importants. Il appartient alors à la juridiction compétente d’apprécier si ce refus était « raisonnablement justifié » au regard des circonstances concrètes et de la réglementation en vigueur. Enfin, la Cour censure les clauses contractuelles qui visent à limiter ou exclure la responsabilité du transporteur aérien dans de telles situations de fait. Le droit à indemnisation présente un caractère impératif qui interdit aux compagnies de s’exonérer de leurs obligations légales par le biais de simples conditions générales.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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