La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 30 avril 2025, une décision relative à la compétence judiciaire internationale en matière d’assurances. Ce litige opposait un État membre, agissant en qualité d’employeur, à une société d’assurances étrangère suite à un accident de la circulation survenu en Espagne.
Un fonctionnaire, employé par une administration située à Munich, a été blessé lors de ce sinistre impliquant un véhicule assuré auprès d’une compagnie espagnole. L’employeur public a maintenu le versement de la rémunération durant l’incapacité de travail et a ensuite sollicité le remboursement des sommes auprès de l’assureur. Face au refus d’indemnisation, cet État membre a saisi le Tribunal de district de Munich sur le fondement de la subrogation dans les droits de son agent. La juridiction de première instance a décliné sa compétence, estimant que l’employeur public ne pouvait bénéficier du for protecteur réservé aux parties faibles. Le Tribunal régional de Munich I, saisi en appel, a décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour de justice sur l’interprétation du règlement 1215/2012.
La question posée tend à savoir si un État agissant comme employeur subrogé peut être qualifié de personne lésée pour attraire l’assureur devant son propre domicile. La Cour répond par l’affirmative tout en précisant que la compétence territoriale doit se fixer au siège de l’entité administrative employant le fonctionnaire blessé.
I. L’assimilation de l’État subrogé à la notion de personne lésée
A. La confirmation d’une conception large de la protection conventionnelle
Le règlement 1215/2012 instaure des règles de compétence dérogatoires en matière d’assurances afin de corriger le déséquilibre contractuel entre les parties en présence. La Cour rappelle que « le cercle de ces personnes n’est pas restreint à celles l’ayant subi directement », permettant ainsi l’inclusion des cessionnaires. Cette interprétation extensive favorise l’accès à la justice pour toute entité ayant supporté une part du préjudice initialement causé à la victime directe.
L’article 13 paragraphe 2 permet ainsi à l’employeur de se prévaloir des fors spéciaux lorsqu’il est légalement subrogé dans les droits de son employé rémunéré. La protection se justifie par la nécessité de faciliter le recours de celui qui a déjà désintéressé la personne blessée après un accident. Le demandeur peut alors s’écarter de la règle générale de la compétence du tribunal du domicile du défendeur établie par le règlement européen.
B. L’indifférence de la nature publique du demandeur agissant comme employeur
La qualité d’État membre de l’Union européenne n’interdit pas le bénéfice des dispositions protectrices prévues par la section 3 du chapitre II du règlement. La décision souligne que l’État n’agit pas ici en tant que sujet de droit international public exerçant des prérogatives exorbitantes de puissance publique. Il se trouve soumis « aux mêmes règles, matérielles et procédurales, qu’un sujet de droit privé » lorsqu’il gère ses relations de travail courantes.
L’objectif de prévisibilité des règles de compétence interdit d’ailleurs de procéder à une appréciation au cas par cas de la faiblesse économique réelle du demandeur. La Cour refuse de distinguer selon la taille ou la puissance financière de l’employeur pour ne pas créer d’insécurité juridique dans l’application des fors. Cette solution assure une uniformité indispensable entre les différents opérateurs intervenant sur le marché de l’assurance au sein de l’espace judiciaire européen.
II. La rationalisation du for du domicile de l’employeur public
A. L’éviction du domicile privé du fonctionnaire subrogeant
Bien que subrogé dans les droits de son agent, l’État membre ne peut revendiquer la compétence de la juridiction du domicile personnel de ce dernier. La Cour considère que l’employeur subrogé « a subi un dommage propre et est donc lui-même une personne lésée » au sens du texte européen. Cette autonomie juridique du préjudice subi par l’employeur justifie que la compétence soit déterminée par rapport à son propre siège statutaire ou administratif.
Il est inutile d’imposer au demandeur de saisir le tribunal du lieu de résidence de l’employé dès lors qu’il détient seul le droit à réparation. Cette règle évite une multiplication artificielle des fors compétents et simplifie la détermination de la juridiction saisie par l’entité subrogée contre l’assureur étranger. La solution respecte la structure binaire du règlement qui lie la compétence au domicile réel de la partie qui exerce effectivement l’action judiciaire.
B. La détermination du siège de l’entité administrative comme critère de compétence
Le domicile d’un État employeur doit être défini de manière concrète pour satisfaire aux exigences de proximité et de bonne administration de la justice. La Cour fixe ce for au « lieu du siège de l’entité administrative qui emploie le fonctionnaire concerné » et qui supporte la charge financière. Ce critère permet d’identifier précisément la juridiction nationale et territoriale compétente sans dépendre des règles de répartition interne de chaque État membre.
Cette localisation garantit un lien étroit entre le litige et la juridiction tout en offrant une prévisibilité suffisante pour l’assureur situé dans un autre État. La sécurité juridique est préservée car le siège de l’administration employeuse constitue un point de rattachement stable et facilement vérifiable par les parties. L’arrêt consacre ainsi une application pragmatique du droit européen des conflits de juridictions aux structures administratives complexes des États membres de l’Union.