Cour de justice de l’Union européenne, le 30 juin 2016, n°C-205/15

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 30 juin 2016, se prononce sur l’interprétation de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux. Cette décision traite de la compatibilité d’une réglementation nationale exonérant les autorités publiques de certains frais de justice lors d’une procédure d’exécution forcée.

Une personne physique avait acquitté une taxe sur la pollution lors de l’immatriculation d’un véhicule, somme dont le remboursement fut ultérieurement ordonné par voie judiciaire. Le Tribunal de grande instance de Sibiu, par un jugement du 16 octobre 2012, a condamné l’administration fiscale à restituer les montants indûment perçus. Cette décision est devenue définitive le 22 octobre 2013 après le rejet du pourvoi par la Cour d’appel d’Alba Iulia. Face au refus de paiement spontané, le Tribunal de première instance de Sibiu a ordonné l’exécution forcée de l’obligation le 24 mars 2014. L’administration fiscale a alors formé opposition contre cette exécution tout en bénéficiant, conformément au droit roumain, d’une exonération des droits de timbre et de caution.

Le justiciable soutient que cette dispense crée une discrimination injustifiée entre les personnes de droit privé et les institutions publiques au sein de la procédure. La juridiction de renvoi s’interroge sur le respect du principe d’égalité des armes et du droit d’accès à un tribunal garantis par le droit de l’Union. Elle demande si l’article 47 de la Charte s’oppose à une règle facilitant l’accès à la justice des autorités publiques par rapport aux citoyens ordinaires. La Cour répond négativement en estimant que ces exemptions ne placent pas les personnes privées dans une situation de désavantage net par rapport à l’État débiteur.

I. La consécration de l’égalité des armes au prisme des frais de justice

A. L’étendue de la protection juridictionnelle effective

La Cour rappelle d’emblée que le droit d’accès à un tribunal ne constitue pas une prérogative absolue et peut valablement comporter des restrictions proportionnées. Ces limitations incluent les exigences liées au paiement des frais de justice, pourvu qu’elles ne portent pas atteinte à la substance même du droit. L’exécution d’un jugement doit être considérée comme faisant partie intégrante du procès au sens des exigences de la protection juridictionnelle effective des justiciables. L’article 47 de la Charte impose ainsi le respect du caractère équitable de la procédure, y compris lors de la phase contentieuse relative à l’exécution forcée.

B. L’appréciation d’un éventuel désavantage procédural

Le juge européen précise que « le principe d’égalité des armes est un corollaire de la notion même de procès équitable » impliquant des conditions de présentation équilibrées. Ce principe exige d’offrir à chaque partie une possibilité de présenter sa cause sans être placée « dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ». La simple différence de traitement financier entre les parties ne suffit pas à caractériser une violation si l’accès au juge reste garanti pour tous. La Cour souligne que le justiciable n’établit pas que l’obligation d’acquitter les frais de justice a entravé de manière disproportionnée son recours devant les tribunaux.

II. La reconnaissance de la spécificité procédurale des personnes publiques

A. La justification budgétaire de l’exonération fiscale

La Cour observe que « les frais de justice contribuent, en principe, au bon fonctionnement du système juridictionnel » en constituant une source essentielle de financement. L’exonération dont bénéficient les personnes morales de droit public ne procure pas un avantage procédural indu car le paiement serait imputé sur le budget national. Ce transfert de fonds interne entre administrations n’affecterait pas les ressources réelles consacrées au service public de la justice ou à la défense des parties. Cette neutralité budgétaire justifie que l’État soit dispensé de s’acquitter de taxes qui reviendraient finalement à ses propres services financiers dans une boucle comptable.

B. L’absence de risque d’insolvabilité du débiteur public

S’agissant de la dispense de caution, la Cour relève que cette garantie vise habituellement à protéger le créancier contre un risque d’insolvabilité future du débiteur. Or, les États membres sont tenus de rembourser les impositions perçues en violation du droit de l’Union, sans pouvoir invoquer une quelconque insuffisance de fonds publics. « Il ne saurait être admis qu’un État membre puisse se prévaloir d’une insuffisance de fonds pour justifier une impossibilité d’exécuter une décision juridictionnelle » définitive. L’exemption de caution ne fragilise donc pas la position du créancier, la solvabilité de la personne publique étant présumée par les principes de coopération loyale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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