Par un arrêt du 30 mai 2013, la Cour de justice de l’Union européenne précise les critères de qualification des ressources d’État. Cette décision traite de la conformité au droit de l’Union des cotisations perçues par une organisation interprofessionnelle agricole française. Deux sociétés spécialisées dans l’élevage de dindes ont contesté la légalité de l’extension d’un accord interprofessionnel fixant une contribution obligatoire. Elles soutenaient que ce financement constituait une aide d’État devant faire l’objet d’une notification préalable à la Commission européenne. Saisi du litige, le Conseil d’État a sursis à statuer pour interroger la juridiction européenne sur l’interprétation de l’article 107 du Traité. Le problème juridique réside dans la détermination du caractère étatique de fonds collectés par un organisme privé suite à un acte administratif d’extension. La Cour juge que cette mesure ne constitue pas une aide car elle n’implique aucun transfert direct ou indirect de ressources publiques. L’analyse de l’absence de mobilisation de ressources étatiques par l’extension administrative précède l’étude de la délimitation stricte de la notion d’aide d’État.
I. L’absence de mobilisation de ressources étatiques par l’extension administrative
A. La nature privée persistante des fonds interprofessionnels
La Cour souligne d’abord que les sommes litigieuses proviennent exclusivement d’opérateurs économiques privés exerçant une activité sur les marchés concernés. Ces fonds ne transitent pas par le budget de l’État et ne constituent nullement une renonciation à des recettes fiscales ou sociales. Le juge européen affirme que « ces cotisations conservent leur caractère privé pendant tout leur parcours » malgré le caractère obligatoire de leur prélèvement. L’organisation interprofessionnelle doit d’ailleurs recourir aux procédures civiles de droit commun pour assurer le recouvrement des créances en cas de défaut. L’origine purement privée des sommes exclut ainsi la qualification de charge supplémentaire pour les finances publiques ou pour l’organisme collecteur.
B. L’inexistence d’un contrôle public effectif sur l’utilisation des contributions
L’arrêt précise que les autorités nationales ne disposent d’aucun pouvoir réel pour diriger ou influencer l’administration des fonds récoltés. La juridiction constate que l’organisation interprofessionnelle décide souverainement de l’utilisation des ressources consacrées à des objectifs qu’elle détermine elle-même. Les ressources ne restent pas constamment sous contrôle public car l’administration se borne à vérifier la régularité et la conformité à la loi. Le droit rural français n’autorise pas l’État à soumettre ces contributions à un contrôle de l’opportunité des actions de communication. Cette autonomie de gestion confirme que les moyens pécuniaires ne sont pas mis à la disposition effective des autorités publiques compétentes.
II. La délimitation stricte de la notion d’aide d’État au regard de l’autonomie professionnelle
A. L’imputabilité écartée par le rôle instrumental de l’autorité publique
La Cour de justice considère que l’intervention administrative d’extension ne suffit pas à rendre les actions de l’organisation imputables à l’État. Elle relève que l’initiative de l’imposition des contributions provient uniquement du milieu professionnel concerné et non d’une impulsion des autorités publiques. L’État agit simplement comme un « instrument afin de rendre obligatoires les contributions » pour la poursuite de fins fixées par les professionnels. L’article 107 du Traité exige pourtant que l’avantage soit accordé par l’intermédiaire d’un organisme désigné pour gérer une politique publique. Or, le contrôle de légalité exercé ex post ne permet pas de lier le financement à des objectifs politiques concrets préétablis.
B. La confirmation d’une jurisprudence protectrice de l’initiative privée sectorielle
Cette solution s’inscrit dans la continuité des principes dégagés par l’arrêt rendu le 15 juillet 2004 dans une affaire similaire. La Cour préserve la capacité des filières agricoles à s’organiser de manière autonome sans subir les contraintes procédurales liées aux aides d’État. Elle limite la notion de ressources étatiques aux seuls moyens pécuniaires que les autorités publiques peuvent effectivement utiliser pour soutenir des entreprises. La portée de la décision est majeure car elle sécurise les mécanismes de financement des actions communes au sein des interprofessions européennes. Elle confirme que l’extension d’un accord privé par la puissance publique ne modifie pas la nature intrinsèquement privée des fonds mobilisés.