La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 30 mai 2013, un arrêt portant sur la participation de plusieurs sociétés à une entente. L’affaire concerne une concertation complexe dans le secteur des méthacrylates impliquant diverses entreprises européennes entre 1997 et 2002. L’autorité de concurrence a constaté une infraction unique et continue portant sur plusieurs produits chimiques dérivés d’une matière première commune. Par une décision de mai 2006, l’institution a infligé une amende solidaire de neuf millions d’euros aux sociétés requérantes. Ces dernières ont saisi le Tribunal de l’Union européenne qui a partiellement annulé la décision et réduit la sanction pécuniaire. Les entreprises ont alors formé un pourvoi devant la Cour de justice pour contester tant leur participation que le calcul de l’amende. Le litige porte sur la validité du critère de distanciation publique et sur le respect de la présomption d’innocence dans la durée. Il soulève également la question de l’autonomie du juge de pleine juridiction vis-à-vis des lignes directrices de l’administration. La Cour de justice rejette le pourvoi et confirme l’appréciation souveraine des faits par le juge du fond.
I. La caractérisation rigoureuse de la participation à une pratique collusoire
A. La présomption de participation issue de l’absence de distanciation publique
L’institution a prouvé la participation des entreprises en démontrant leur présence physique à quatre réunions ayant un objectif manifestement anticoncurrentiel. Les sociétés requérantes soutiennent que ce critère juridique est inapproprié en raison de leur politique commerciale divergente et de leur passivité. La jurisprudence constante impose pourtant à l’entreprise de manifester une opposition claire pour ne pas être tenue pour responsable de l’accord. « Il suffit que l’institution démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions ayant un objectif anticoncurrentiel, sans s’y être manifestement opposée ». Cette règle assure une efficacité nécessaire à la lutte contre les cartels secrets sans méconnaître les droits de la défense. La simple présence tacite suffit à encourager la poursuite de l’infraction en créant une apparence de consensus entre les participants.
B. L’encadrement temporel de l’infraction au regard des principes probatoires
Le juge du fond a fixé la fin de la première période d’infraction au mois d’octobre 1998 en s’appuyant sur des indices documentaires. Les requérantes invoquent une violation de la présomption d’innocence car aucune preuve directe ne couvre la période postérieure à juin 1998. La Cour de justice rappelle que la durée d’une infraction dépend de la période pendant laquelle les entreprises mettent à exécution le comportement. Il convient de vérifier si le Tribunal a commis une erreur de droit en violant les principes généraux ou les règles de preuve. En l’espèce, les discussions de juin portaient sur des hausses de prix prévues précisément pour le dernier trimestre de l’année civile. Cette constatation factuelle permet de déduire que les effets de la concertation se sont prolongés au-delà de la date du contact.
II. L’étendue du contrôle juridictionnel sur le montant des sanctions pécuniaires
A. L’indépendance du juge dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction
Le Tribunal a majoré l’amende de 10 % malgré une durée de participation inférieure à une année complète au cours de la période. Les sociétés estiment que ce calcul contrevient aux lignes directrices de 1998 qui ne prévoient aucune majoration pour les infractions courtes. La Cour souligne que les juridictions ne sont pas liées par les méthodes indicatives que l’institution s’impose à elle-même. « Celui-ci ne saurait lier dans les mêmes termes les juridictions de l’Union pour autant qu’elles n’envisagent pas d’appliquer une méthode spécifique ». Cette autonomie permet au juge d’ajuster la sanction selon les circonstances propres à chaque dossier sans automatisme arithmétique. La protection de la confiance légitime ne saurait donc limiter le pouvoir de substitution du juge statuant en pleine juridiction.
B. La conformité du montant de l’amende au principe de proportionnalité
Les requérantes réclament une réduction supplémentaire car leur responsabilité n’a été retenue que pour une partie limitée des produits visés initialement. Elles suggèrent que la diminution du montant de base devrait refléter précisément la part du chiffre d’affaires correspondant aux produits exclus. Le juge considère toutefois que la réduction de 25 % accordée par l’institution reflète déjà adéquatement la gravité réelle de l’infraction. Le produit pour lequel la responsabilité est confirmée représentait plus de 60 % des ventes totales réalisées par les entreprises concernées. Le montant final n’apparaît pas excessif au point d’être disproportionné au regard de la capacité économique réelle des contrevenants sanctionnés. La Cour refuse ainsi de substituer sa propre appréciation à celle du Tribunal en l’absence d’erreur de droit manifeste.