Cour de justice de l’Union européenne, le 30 mai 2018, n°C-517/16

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 30 mai 2018, une décision fondamentale relative à la coordination des systèmes de sécurité sociale. Cette affaire traite de la qualification juridique d’une pension de transition polonaise et de l’opposabilité des déclarations étatiques faites par les États membres. Un travailleur ayant exercé son activité en Pologne, en Allemagne et en Norvège s’est vu refuser le bénéfice d’une pension de transition. L’organisme de sécurité sociale polonais a refusé de comptabiliser les périodes d’assurance accomplies à l’étranger, arguant d’une durée de cotisation insuffisante sur le seul territoire national. La Cour d’appel de Gdańsk, saisie d’un recours contre un jugement du 28 janvier 2015, a interrogé le juge européen sur la portée de la déclaration nationale. Le litige portait sur le point de savoir si la classification d’une prestation par un État membre lie les juridictions nationales de manière définitive. La Cour affirme que « la classification d’une prestation sociale […] ne revêt pas un caractère définitif » et identifie ladite pension comme une prestation de vieillesse. L’étude de la portée relative des déclarations étatiques précédera l’analyse des critères matériels permettant de qualifier la prestation de vieillesse.

I. La portée relative de la qualification étatique des prestations

A. Le caractère indicatif de la déclaration nationale

Le règlement n° 883/2004 impose aux États membres de déclarer les législations et régimes de sécurité sociale entrant dans son champ d’application matériel. Cette obligation découle du principe de coopération loyale, lequel exige des autorités nationales un examen diligent de leurs propres régimes de protection sociale. La Cour précise toutefois que cette déclaration crée seulement une présomption de soumission au règlement, sans lier de manière absolue les autres États membres. L’absence de mention d’une législation dans la déclaration ne suffit pas, par elle-même, à l’exclure du champ d’application de la coordination européenne. L’interprétation souveraine des États membres ne saurait primer sur la réalité objective des prestations versées aux travailleurs migrants au sein de l’Union.

B. Le pouvoir de requalification autonome du juge national

La juridiction nationale conserve la faculté d’apprécier la nature d’une prestation sociale indépendamment de la qualification retenue par l’autorité administrative compétente. Cette analyse doit s’effectuer de manière autonome, en se fondant sur les éléments constitutifs de la prestation, ses finalités et ses conditions d’octroi. La Cour souligne que « la qualification d’une prestation sociale est susceptible d’être effectuée par la juridiction nationale concernée » en cas de doute persistant. L’objectif de libre circulation des travailleurs interdit aux États de déterminer discrétionnairement le champ d’application de la coordination en omettant certaines prestations. La reconnaissance de cette compétence judiciaire garantit l’égalité de traitement des citoyens européens en soumettant les prestations aux règles uniformes du droit de l’Union.

II. L’identification matérielle d’une prestation de vieillesse

A. La distinction fondée sur le risque social couvert

La distinction entre les branches de sécurité sociale repose essentiellement sur le risque couvert, indépendamment des dénominations ou des caractéristiques formelles des législations nationales. Les prestations de vieillesse visent à assurer les moyens de subsistance des personnes quittant leur emploi après avoir atteint un âge déterminé par la loi. Les prestations de préretraite s’inscrivent généralement dans des objectifs de politique de l’emploi liés à des crises économiques ou à des restructurations d’entreprises. Dans l’espèce commentée, la pension de transition est « liée non pas à la situation du marché du travail […] mais uniquement à la nature de l’emploi ». Elle répond au déclin des capacités physiques dû au vieillissement des travailleurs occupant des postes particulièrement pénibles ou présentant des risques spécifiques.

B. L’application effective de la règle de totalisation des périodes

L’identification de la prestation comme relevant de la branche vieillesse entraîne l’application impérative de l’article 6 du règlement n° 883/2004 relatif à la totalisation. Cette règle permet de cumuler les périodes d’assurance accomplies sous différentes législations nationales pour l’ouverture du droit aux prestations sociales dues au travailleur. La Cour constate que les conditions d’octroi et la base de calcul de la pension litigieuse présentent des analogies manifestes avec les pensions de retraite. En affirmant que cette prestation « doit être considérée comme une « prestation de vieillesse » », le juge européen assure la protection sociale effective du travailleur migrant. Cette solution évite que l’exercice du droit à la libre circulation ne pénalise l’intéressé par la perte de droits acquis lors d’expériences professionnelles étrangères.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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