Cour de justice de l’Union européenne, le 30 septembre 2010, n°C-481/09

Par un arrêt en date du 6 octobre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur les conséquences du défaut de transposition d’une directive par un État membre. En l’espèce, un État membre n’avait pas adopté, dans le délai qui lui était imparti, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2006/7/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la gestion de la qualité des eaux de baignade. Face à cette situation, la Commission européenne, en sa qualité de gardienne des traités, a engagé une procédure en manquement. Après une phase précontentieuse qui n’a pas permis à l’État membre de régulariser sa situation, la Commission a saisi la Cour de justice sur le fondement de l’article 258 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

La question de droit posée à la Cour était de déterminer si l’absence d’adoption des mesures nationales de transposition d’une directive dans le délai prescrit constitue, en soi, un manquement d’un État membre à ses obligations découlant du droit de l’Union. La Cour de justice y répond par l’affirmative de manière claire et sans équivoque, en déclarant qu’« en n’ayant pas adopté, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive […], [l’État membre] a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive ». La solution, qui se limite à constater objectivement la défaillance de l’État, s’inscrit dans une jurisprudence constante et bien établie.

Cette décision, bien que classique dans sa solution, illustre le mécanisme de contrôle du respect du droit de l’Union par les États membres. Il convient ainsi d’analyser la constatation du manquement, qui repose sur le caractère obligatoire de la transposition (I), avant d’étudier la portée de cette décision, qui réaffirme l’autorité du droit de l’Union (II).

***

I. La constatation formelle d’un manquement à l’obligation de transposition

La décision de la Cour repose sur une application rigoureuse des règles relatives aux obligations des États membres. Elle met en lumière le caractère impératif de l’obligation de transposer les directives (A) dans le cadre de la procédure spécifique du recours en manquement (B).

A. Le caractère impératif de la transposition des directives

La directive, en vertu de l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Cette liberté laissée aux États n’emporte cependant aucune faculté de se soustraire à l’obligation de transposition elle-même. La transposition constitue une obligation de résultat précise qui doit être exécutée dans un délai contraignant fixé par l’acte lui-même.

En l’espèce, l’objet de la directive était la gestion de la qualité des eaux de baignade, une matière relevant de la protection de l’environnement et de la santé publique. Le manquement de l’État membre a pour conséquence directe de priver les citoyens des droits et des garanties que la directive visait à leur conférer. L’absence de mesures nationales crée un vide juridique qui compromet l’uniformité d’application du droit de l’Union et porte atteinte au principe de sécurité juridique. La Cour ne fait donc que rappeler qu’un État ne saurait se prévaloir de considérations d’ordre interne pour justifier le non-respect de ses engagements européens.

B. La mise en œuvre de la procédure en manquement

La procédure en manquement, régie par l’article 258 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, est l’instrument par lequel la Commission veille à l’application correcte du droit de l’Union. Dans ce cadre, le rôle de la Cour de justice est d’établir de manière objective si un État membre a violé une de ses obligations. Le simple constat matériel de l’expiration du délai de transposition sans que les mesures nécessaires aient été adoptées suffit à caractériser le manquement.

Le raisonnement de la Cour est ici purement déclaratoire. Elle se borne à vérifier que les dispositions nationales n’ont pas été prises dans le délai imparti et à en tirer la conséquence juridique qui s’impose. La condamnation de l’État membre aux dépens est l’accessoire procédural de cette constatation. Cette approche formaliste garantit une application stricte et uniforme du droit, essentielle à la cohésion de l’ordre juridique de l’Union. La décision ne s’intéresse ni aux raisons de l’inaction de l’État, ni aux difficultés qu’il aurait pu rencontrer.

II. La portée d’une solution classique réaffirmant l’autorité du droit de l’Union

Si la solution n’est pas novatrice, elle n’en demeure pas moins fondamentale par ce qu’elle représente. Elle constitue une réaffirmation du principe de coopération loyale (A) et possède une fonction pédagogique indéniable malgré son caractère d’espèce (B).

A. La réaffirmation du principe de coopération loyale

Cette décision est une illustration du principe de coopération loyale, énoncé à l’article 4 du Traité sur l’Union européenne, qui impose aux États membres de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution des obligations découlant des traités. L’obligation de transposition des directives en est une manifestation essentielle. En sanctionnant l’inertie d’un État, la Cour rappelle que l’appartenance à l’Union européenne implique le respect des règles communes et la participation active à la construction d’un ordre juridique intégré.

La valeur de l’arrêt réside dans sa contribution à la primauté et à l’effectivité du droit de l’Union. Sans une transposition correcte et en temps utile des directives, l’action de l’Union resterait lettre morte et les objectifs poursuivis par les traités ne pourraient être atteints. Le manquement d’un seul État porte atteinte à l’ensemble du système, créant des distorsions et des inégalités entre les citoyens et les opérateurs économiques des différents pays membres. La décision, bien que rendue contre un État, s’adresse en réalité à tous.

B. Une décision d’espèce à la fonction pédagogique

L’arrêt commenté est une décision d’espèce, sa solution étant entièrement dictée par les faits et l’application d’une jurisprudence constante. Elle n’établit pas de principe nouveau et sa portée juridique, au sens d’une influence sur le droit positif futur, est donc limitée. La Cour a déjà jugé à d’innombrables reprises que la non-transposition d’une directive dans les délais constitue un manquement.

Toutefois, la portée de la décision est ailleurs. Elle revêt une fonction pédagogique et dissuasive. La publication de tels arrêts vise à rappeler à l’ensemble des États membres l’importance de leurs obligations et les conséquences de leur non-respect. Elle témoigne de la vigilance de la Commission et de l’efficacité du mécanisme de contrôle juridictionnel. Cet arrêt, par sa simplicité et sa clarté, sert d’exemple et d’avertissement, contribuant ainsi au maintien de la discipline collective nécessaire au bon fonctionnement de l’Union européenne.

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Hassan KOHEN
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