Cour de justice de l’Union européenne, le 30 septembre 2021, n°C-296/20

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 20 mai 2021, apporte des précisions essentielles sur l’application de la convention de Lugano II. Le litige oppose un établissement bancaire à un ancien client au sujet du remboursement d’un solde débiteur sur un compte courant. À l’ouverture du compte en 2009, les deux parties résidaient en Allemagne, mais le débiteur s’est ensuite installé en Suisse au cours de l’année 2014. La banque a saisi le tribunal de district de Dresde en 2016 pour obtenir le paiement des sommes restant dues après la clôture du compte. Les juges de première instance et d’appel ont décliné leur compétence en raison du nouveau domicile du défendeur situé désormais sur le territoire suisse. Le Bundesgerichtshof a donc interrogé la Cour sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 1, sous c), de la convention précitée. Il s’agit de savoir si cette disposition exige une activité transfrontalière du professionnel dès la préparation et la conclusion du contrat initial. La Cour affirme que les règles protectrices s’appliquent même si l’élément d’extranéité survient bien après la signature de la convention entre les parties.

Une protection du consommateur maintenue malgré une extranéité différée

L’actualisation du domicile au jour de l’introduction de l’instance

La Cour rappelle que la notion de domicile doit s’interpréter au moment où l’action en justice est effectivement introduite par l’une des parties. Elle s’appuie sur une jurisprudence établie prévoyant que la protection spécifique suit le consommateur lors de ses déplacements géographiques ultérieurs à l’engagement. « La notion de domicile du consommateur doit être interprétée comme désignant le domicile du consommateur à la date de l’introduction du recours juridictionnel ». Cette approche dynamique garantit au contractant faible le bénéfice des règles de compétence exclusives de son lieu de résidence actuel lors du procès. La juridiction saisie doit ainsi vérifier la localisation du défendeur au jour de la demande pour valider sa propre compétence internationale.

La reconnaissance d’un caractère international né après la conclusion contractuelle

Le texte de la convention ne mentionne aucune nécessité d’un élément d’extranéité qui serait contemporain à la formation du lien contractuel entre les intéressés. L’existence d’un rapport juridique international peut résulter simplement du transfert de résidence vers un autre État lié par la convention de Lugano II. « Le caractère international du rapport juridique en cause ne doit pas nécessairement découler de l’implication de plusieurs États contractants » lors de la signature. La Cour considère que le changement de domicile suffit à rendre le litige international et à déclencher l’application des règles de protection uniformes. Cette solution évite de priver le consommateur de ses droits fondamentaux sous prétexte que le contrat était initialement interne à un seul pays.

L’absence d’exigence d’une activité transfrontalière initiale du professionnel

Une interprétation littérale excluant toute condition temporelle restrictive

L’article 15, paragraphe 1, sous c), impose seulement que le professionnel exerce ses activités dans l’État de domicile actuel du consommateur concerné par l’action. Aucun terme ne suggère que l’activité doit être dirigée vers un État tiers au moment précis de la rencontre des volontés entre les parties. « Seul est expressément requis le fait que le cocontractant professionnel exerce son activité dans l’État où se trouve le domicile du consommateur ». La Cour rejette donc toute lecture qui ajouterait une condition de simultanéité entre l’activité professionnelle transfrontalière et la conclusion du contrat de service. Cette interprétation stricte des textes assure une application prévisible des règles de compétence sans exiger de preuves complexes sur l’intention passée du banquier.

La primauté de l’objectif de protection sur la prévisibilité du for

Le professionnel peut craindre que le client emporte avec lui son for de protection, mais cet impératif de prévisibilité demeure pourtant secondaire en droit européen. L’unité des règles de compétence judiciaire internationale prime sur l’analyse économique ou la sécurité juridique subjective de l’établissement professionnel lors de la signature. « Cette disposition détermine la compétence dans le cas où un élément d’extranéité n’est apparu que postérieurement à ladite conclusion » du contrat de consommation. La protection de la partie considérée comme économiquement plus faible justifie cette contrainte pesant sur le professionnel qui accepte de contracter avec des particuliers. La Cour confirme ainsi que le transfert de résidence est un risque inhérent à toute relation contractuelle durable s’inscrivant dans l’espace judiciaire commun.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture