La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 28 février 2024, une ordonnance dans l’affaire C-797/22 P (ECLI:EU:C:2024:174) rejetant le pourvoi formé par un État membre. Ce litige porte sur la légalité d’un régime d’aides d’État octroyé sous forme de subventions d’intérêts et de garanties de prêts à la suite des incendies de forêt de 2007. L’État membre avait mis en œuvre ces mesures en faveur d’exploitations agricoles situées dans les zones sinistrées sans notification préalable à la Commission européenne.
Le Tribunal de l’Union européenne, saisi d’un recours en annulation contre la décision déclarant ces aides incompatibles, avait débouté l’État membre par un arrêt du 5 octobre 2022. Le demandeur au pourvoi soutenait devant la Cour que le premier juge avait méconnu les critères de l’avantage économique et de la sélectivité prévus par le traité. La Commission européenne défendait pour sa part la validité de son analyse relative à l’existence d’une distorsion de concurrence caractérisée. La question de droit posée à la Cour consistait à déterminer si l’indemnisation de dommages naturels pouvait justifier une dérogation aux règles de fond du droit des aides. La Cour a décidé que « le pourvoi est rejeté comme étant manifestement non fondé », confirmant ainsi l’obligation de récupération intégrale des sommes versées.
I. L’appréciation rigoureuse des conditions de l’avantage économique et de la sélectivité
Le juge de l’Union européenne rappelle que la notion d’aide englobe non seulement des prestations positives, mais également des interventions qui allègent les charges financières normales d’une entreprise.
A. La confirmation de l’avantage économique indissociable des garanties étatiques
La Cour souligne que l’octroi d’une garantie publique permet à des bénéficiaires d’obtenir des financements à des conditions plus favorables que celles du marché. Elle précise que « toute mesure qui soulage l’entreprise des charges qui grèvent normalement son budget constitue un avantage économique au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ». En l’espèce, les garanties de prêts ont permis aux exploitations agricoles de maintenir leur activité malgré les pertes subies lors des incendies catastrophiques. La Cour valide ainsi le raisonnement du Tribunal qui avait exclu que ces mesures puissent être considérées comme une simple compensation sans avantage indu.
B. La validation de la nature sélective des mesures de soutien sectorielles
L’État membre soutenait que les mesures étaient générales puisqu’elles s’appliquaient à toutes les entreprises situées dans les zones géographiques touchées par les feux de forêt. Cependant, la Cour confirme que la sélectivité est établie dès lors que la mesure favorise certaines productions par rapport à d’autres entreprises se trouvant dans une situation comparable. Elle rappelle que le critère de sélectivité impose de déterminer si la mesure nationale « favorise certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d’autres ». En limitant le bénéfice des aides au seul secteur agricole, l’État membre a instauré une distinction injustifiée au regard du régime général des aides d’État.
II. La limitation du contrôle juridictionnel aux principes de proportionnalité et de sécurité juridique
L’examen de cette décision permet d’analyser l’application rigoureuse du principe de proportionnalité à l’obligation de récupération des aides perçues par les entreprises.
A. Le rejet des circonstances exceptionnelles comme obstacle à la restitution
La Cour de justice rejette l’argument selon lequel l’ampleur des incendies de 2007 constituerait une circonstance exceptionnelle justifiant l’absence de récupération des aides illégales. Elle considère que la récupération vise uniquement à « rétablir la situation antérieure à l’octroi de l’aide » et ne peut être qualifiée de sanction disproportionnée ou de mesure inéquitable. Les difficultés économiques rencontrées par les bénéficiaires ou la nature dramatique des événements climatiques ne suffisent pas à écarter l’obligation de remboursement. Le juge européen privilégie ainsi la protection de la concurrence sur les considérations sociales ou économiques locales invoquées par les autorités nationales.
B. La portée de l’ordonnance sur l’effectivité du droit européen des aides
Cette décision renforce la sécurité juridique en confirmant que les mesures d’indemnisation des catastrophes naturelles doivent respecter scrupuleusement les procédures de notification préalable. L’ordonnance du 28 février 2024 rappelle aux États membres que le caractère dramatique d’une situation ne dispense pas du respect des règles fondamentales du marché intérieur. Elle souligne l’importance de la vigilance de la Commission dans le contrôle des garanties publiques, souvent perçues à tort comme des instruments neutres. Cette jurisprudence assure une application uniforme du droit de l’Union en limitant les dérogations nationales fondées sur des critères émotionnels ou politiques.