Cour de justice de l’Union européenne, le 31 mai 2017, n°C-228/16

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, par sa première chambre, l’arrêt C-228/16 P portant sur le régime des aides d’État. Une entreprise de production d’électricité contestait des tarifs préférentiels fixés par une autorité nationale de régulation puis par un tribunal arbitral indépendant. L’institution compétente avait rejeté les plaintes par une lettre de classement du 12 juin 2014 au terme d’un simple examen préliminaire. La requérante a saisi le Tribunal de l’Union européenne d’un recours tendant à l’annulation de ce refus d’ouvrir une procédure formelle d’examen. Durant l’instance juridictionnelle, l’autorité a adopté une seconde décision réitérant purement et simplement les motifs de son appréciation initiale négative. Par une ordonnance du 9 février 2016, le Tribunal a constaté un non-lieu à statuer en considérant que l’acte attaqué avait été remplacé. La Cour doit déterminer si la répétition d’une décision de classement prive d’objet le recours en annulation dirigé contre la prise de position originaire. Les juges concluent à l’erreur de droit du premier juge en soulignant l’absence de retrait effectif par une décision confirmative. Cette problématique invite à étudier l’absence de substitution juridique par un acte confirmatif ainsi que la nécessaire sauvegarde du contrôle juridictionnel effectif.

I. L’exclusion du caractère substitutif d’une décision purement confirmative

A. Le maintien de l’acte initial dans l’ordonnancement juridique

La Cour rappelle qu’un acte est considéré comme purement confirmatif lorsqu’il ne contient aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport au précédent. En l’espèce, la décision adoptée durant l’instance réitérait les conclusions initiales sans modifier la portée juridique du refus opposé à l’entreprise plaignante. Les juges précisent que « l’adoption d’une décision purement confirmative ne saurait être considérée comme un retrait » de l’acte administratif ayant fait l’objet du recours. La décision du 12 juin 2014 demeurait donc en vigueur et continuait de produire des effets juridiques obligatoires lésant les intérêts de la requérante. Le Tribunal a méconnu la notion de décision confirmative en estimant que la nouvelle intervention de l’autorité avait fait disparaître l’objet du litige. L’absence de modification de la situation juridique interdit de conclure à l’abrogation de l’acte initial par la simple manifestation répétée d’une volonté identique.

B. L’encadrement strict du retrait des décisions de classement

Le retrait d’un acte administratif n’est légalement admissible que s’il vise à réparer une illégalité spécifique affectant la décision prise par l’autorité publique. La jurisprudence exige que l’institution indique précisément la nature du vice juridique qu’elle entend corriger par l’adoption d’un nouvel acte de portée similaire. Or, la seconde décision litigieuse ne mentionnait aucune volonté de remédier à une irrégularité constatée dans la motivation ou la procédure de l’acte initial. La Cour observe qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que l’autorité ait entendu retirer sa première décision de classement pour ces motifs. Il en va a fortiori de même lorsque l’organe administratif « confirme purement et simplement sa décision initiale » après une suspension volontaire de la procédure juridictionnelle. L’absence de retrait effectif impose de s’interroger sur les conséquences de cette persistance de l’acte initial sur la garantie des droits des justiciables.

II. La garantie d’un contrôle juridictionnel effectif de l’action administrative

A. La prévention des stratégies d’évitement du contrôle du juge

Admettre qu’une nouvelle décision puisse systématiquement entraîner un non-lieu à statuer permettrait à l’administration d’échapper indéfiniment au contrôle de ses actes. L’autorité pourrait ainsi classer une plainte, retirer sa décision dès l’introduction d’un recours, puis réitérer la même position pour paralyser l’action judiciaire. La Cour souligne qu’une telle pratique « serait de nature à faire obstacle à l’effectivité du recours juridictionnel » garanti par les traités de l’Union. La protection des justiciables impose que le juge puisse statuer sur le bien-fondé d’une prise de position définitive affectant des droits subjectifs protégés. Le maintien de l’objet du recours constitue un rempart essentiel contre les comportements dilatoires visant à soustraire l’activité administrative à la censure de la légalité. Le droit au juge exige une réponse stable sur la validité de l’acte attaqué nonobstant les interventions postérieures redondantes de l’organe émetteur.

B. L’obligation de statuer sur la légalité de la prise de position initiale

La Cour de justice censure l’ordonnance de non-lieu et renvoie l’affaire devant le premier juge afin qu’il examine le fond du litige initial. Le Tribunal aurait dû proposer à la requérante d’adapter ses conclusions pour diriger son recours également contre la seconde décision conformément aux règles procédurales. Cette faculté permet de regrouper les critiques contre des actes successifs ayant le même objet tout en garantissant une bonne administration de la justice. En refusant de trancher le litige, le Tribunal a privé l’entreprise d’une décision sur la conformité des tarifs d’électricité au droit des aides. L’annulation de l’ordonnance attaquée rétablit la continuité du contrôle juridictionnel sur les actes de classement de l’institution en phase d’examen préliminaire. Cette intervention confirme la primauté de l’intérêt à agir tant que l’illégalité invoquée n’a pas été formellement et matériellement corrigée par l’autorité.

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Hassan KOHEN
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