La Cour de justice de l’Union européenne, le 18 janvier 2024, n° C-139/22, a tranché un litige relatif à la fiscalité des produits énergétiques. Un État membre avait instauré une exonération totale de droits d’accise sur le charbon et le gaz pour les entreprises grandes consommatrices d’énergie. Cette mesure s’appliquait automatiquement dès lors que les bénéficiaires étaient soumis au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union. Une institution de l’Union a introduit un recours en manquement, estimant que ce dispositif obligatoire ne permettait pas de justifier une telle réduction fiscale. Elle considérait que l’exonération devait être réservée à des engagements volontaires ou à des systèmes dépassant les simples obligations légales découlant du droit européen. La juridiction saisie devait déterminer si la participation au marché des quotas carbone constitue un régime de permis négociables au sens de la réglementation fiscale. La Cour rejette le recours en jugeant que le caractère obligatoire d’un système n’exclut pas l’application des réductions de taxes prévues par la directive.
I. L’intégration du système d’échange de quotas aux incitations fiscales
A. La nature juridique du régime des permis négociables
La juridiction rappelle d’abord que les États membres peuvent accorder des avantages fiscaux lorsque des régimes de permis négociables visent à protéger l’environnement. Elle observe que la réglementation fiscale n’exclut pas expressément le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de la notion de permis négociables. Le texte distingue les accords qui sont passés avec les entreprises de ces régimes de permis qui sont simplement mis en œuvre par les autorités. « Il s’ensuit que ces dispositions ne sauraient être lues comme excluant de leur champ d’application la participation des entreprises à un régime obligatoire ». Cette interprétation littérale permet d’inclure les mécanismes de marché carbone dans le cadre général des incitations fiscales prévues pour les entreprises grandes consommatrices.
B. L’indifférence du caractère obligatoire du dispositif environnemental
La partie requérante affirmait que seuls les systèmes impliquant un engagement volontaire des opérateurs économiques pouvaient ouvrir droit à une exonération des taxes de l’Union. La Cour écarte cet argument en soulignant que le libellé de la norme européenne ne contient aucune exigence relative au caractère facultatif du dispositif. Elle précise que la notion de permis négociables ne se limite pas aux systèmes permettant d’atteindre des résultats supérieurs aux obligations légales existantes. « Une telle lecture de ces dispositions n’est pas étayée par le libellé de celles-ci », confirmant ainsi la validité théorique du cumul entre fiscalité et quotas. L’objectif de réduction des émissions reste l’élément central justifiant la qualification du mécanisme, indépendamment des modalités concrètes de son imposition aux différents acteurs.
II. L’encadrement rigoureux du bénéfice de l’exonération fiscale
A. La subordination de l’avantage à une équivalence de protection
Si la qualification est admise, le bénéfice effectif de l’exonération totale de taxe demeure strictement subordonné au respect de conditions de fond relatives à l’efficacité. Les incitations découlant de la soumission à un tel régime doivent être à peu près équivalentes à ce qui aurait été obtenu par l’imposition. « Les entreprises ne peuvent pas bénéficier, automatiquement, de ce seul fait, d’une exonération totale du droit d’accise » sans établir une protection environnementale équivalente. Il appartient donc aux autorités nationales de démontrer que le coût du quota carbone compense l’absence de perception de la taxe intérieure sur la consommation. La décision souligne ainsi que l’avantage fiscal n’est pas une conséquence automatique de la participation au marché mais dépend d’une analyse comparative.
B. Le rejet du recours pour imprécision de l’argumentation juridique
Le rejet définitif de l’action s’explique par une lacune dans la formulation des griefs présentés par la partie requérante lors de la phase contentieuse du procès. Cette dernière n’avait pas soutenu que la législation nationale manquait à l’exigence d’équivalence environnementale mais s’était concentrée sur l’exclusion de principe du système. La Cour rappelle que toute requête doit indiquer les moyens de façon suffisamment claire pour permettre l’exercice effectif du contrôle de la légalité. « Les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente » de l’acte introductif d’instance. En l’absence d’une argumentation spécifique sur le défaut d’équivalence, la juridiction se voit contrainte de rejeter le manquement sans analyser le fond du dispositif.