Cour de justice de l’Union européenne, le 31 mars 2022, n°C-687/20

Par un arrêt en manquement, la Cour de justice de l’Union européenne se prononce sur le respect par un État membre de ses obligations découlant de la directive 2002/49/CE relative à l’évaluation et à la gestion du bruit dans l’environnement. La Commission européenne a initié une procédure à l’encontre de la République portugaise, lui reprochant de ne pas avoir adopté et communiqué les instruments de gestion du bruit prévus par ce texte pour plusieurs de ses infrastructures et agglomérations. Le litige portait sur l’absence de cartes de bruit stratégiques pour certains grands axes routiers et de plans d’action pour les agglomérations d’Amadora et de Porto, ainsi que pour un grand nombre d’axes routiers et ferroviaires. La procédure a conduit la Cour à examiner si ces omissions constituaient une violation des devoirs imposés par le droit de l’Union. Le problème juridique soulevé consistait donc à déterminer si le non-respect des obligations d’établir et de communiquer des cartes de bruit et des plans d’action dans les délais impartis caractérise un manquement d’État au sens du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La Cour de justice répond par l’affirmative, en constatant que la République portugaise a failli à ses obligations. Elle juge que l’État membre, « en n’ayant pas établi de cartes de bruit stratégiques […] ni de plans d’action » et « en n’ayant pas communiqué à la Commission européenne les informations fournies par ces cartes ni les résumés de ces plans d’action », a violé les dispositions pertinentes de la directive.

La décision de la Cour met en lumière la nature contraignante des obligations procédurales en matière environnementale (I), confirmant ainsi la portée de son contrôle sur l’effectivité du droit de l’Union (II).

I. La caractérisation du manquement aux obligations de la directive sur le bruit

Le manquement constaté par la Cour de justice revêt un double aspect. Il sanctionne d’abord l’omission d’établir les instruments de diagnostic et de planification requis (A), puis, logiquement, le défaut de transmission des informations correspondantes (B).

A. L’inexécution de l’obligation d’établir les cartes de bruit et les plans d’action

La Cour constate que la République portugaise « en n’ayant pas établi de cartes de bruit stratégiques relatives aux grands axes routiers PT_a_rd00410, PT_a_rd00458, PT_a_rd00460, PT_a_rd00462 et PT_a_rd00633 ni de plans d’action pour les agglomérations d’Amadora et de Porto ainsi que pour les grands axes routiers et les grands axes ferroviaires visés à l’annexe du présent arrêt ». Cette constatation factuelle suffit à établir la violation de l’article 7, paragraphe 2, et de l’article 8, paragraphe 2, de la directive. Ces dispositions imposent aux États membres d’élaborer des cartes de bruit pour les zones les plus exposées et, sur cette base, des plans d’action visant à prévenir et à réduire le bruit dans l’environnement. L’arrêt souligne que ces outils ne sont pas de simples recommandations, mais des obligations de résultat dont l’échéance était clairement fixée par la directive. Le manquement est donc constitué par la seule inaction de l’État, indépendamment des raisons ou des difficultés internes qui auraient pu causer ce retard.

B. Le défaut de communication des informations à la Commission

En conséquence directe de la première omission, la Cour relève que l’État membre a également manqué à son devoir d’information. Elle juge que la République portugaise n’a pas respecté ses obligations « en n’ayant pas communiqué à la Commission européenne les informations fournies par ces cartes ni les résumés de ces plans d’action ». Cette seconde facette du manquement se fonde sur l’article 10, paragraphe 2, de la directive, qui organise la transmission des données collectées et des plans adoptés. Cette obligation de communication est essentielle au système de surveillance mis en place par le droit de l’Union, car elle permet à la Commission d’exercer son rôle de gardienne des traités. En s’abstenant de transmettre ces éléments, l’État membre a non seulement méconnu une exigence formelle, mais a aussi entravé le mécanisme de contrôle de l’application uniforme de la législation environnementale européenne.

II. La confirmation judiciaire de la portée des obligations environnementales

Cet arrêt, bien que portant sur une situation spécifique, réaffirme des principes fondamentaux du contentieux européen. Il illustre l’application rigoureuse des délais de mise en œuvre du droit de l’Union (A) et sanctionne fermement l’inertie des États membres en matière de protection de l’environnement (B).

A. L’application stricte des échéances de transposition et de mise en œuvre

La décision de la Cour de justice repose sur un constat objectif de non-respect des délais prescrits par la directive 2002/49/CE. En matière de manquement, la Cour maintient une jurisprudence constante selon laquelle un État membre ne peut invoquer des circonstances internes, qu’elles soient d’ordre administratif, budgétaire ou politique, pour justifier un retard dans l’exécution de ses obligations européennes. Le présent arrêt s’inscrit parfaitement dans cette ligne. Il ne s’agit pas d’un arrêt de principe formulant une règle nouvelle, mais d’une décision d’espèce qui applique avec rigueur une solution établie. La valeur de la décision réside dans sa fonction de rappel : les obligations définies par les directives, y compris les obligations procédurales comme l’établissement de plans, sont assorties d’échéances impératives dont le non-respect constitue en soi un manquement.

B. La sanction de l’inertie étatique dans la protection contre les nuisances

Au-delà de son aspect technique, l’arrêt revêt une portée significative pour la politique environnementale de l’Union. En sanctionnant l’incapacité de la République portugaise à mettre en place des outils de gestion du bruit, la Cour réaffirme que la protection contre les nuisances sonores est un objectif à part entière du droit de l’Union. La décision confirme que les obligations de planification et d’évaluation ne sont pas de simples formalités bureaucratiques, mais des instruments indispensables pour garantir l’effet utile des politiques environnementales. La portée de cet arrêt est donc préventive et dissuasive. Il envoie un signal clair à l’ensemble des États membres sur la nécessité de traiter avec diligence leurs devoirs en matière d’environnement, sous peine de voir leur inaction constatée et sanctionnée par la juridiction de l’Union.

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Hassan KOHEN
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