Cour de justice de l’Union européenne, le 31 mars 2022, n°C-96/21

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 31 mars 2022, précise l’application des exceptions au droit de rétractation des consommateurs. La juridiction s’interroge sur la portée de l’article 16 sous l) de la directive 2011/83 relative aux contrats de prestation de services de loisirs.

Un consommateur commande des billets pour un concert via une plateforme de réservation en ligne, mais l’événement est annulé en raison de restrictions sanitaires. L’acheteur sollicite alors le remboursement intégral des sommes versées en invoquant implicitement un droit de rétractation à l’encontre du fournisseur de billetterie.

L’Amtsgericht Bremen, par décision du 8 janvier 2021, sursoit à statuer pour interroger la Cour sur la validité de l’exclusion du droit de rétractation. La juridiction nationale doute que cette exception s’applique à un intermédiaire qui n’est pas le prestataire direct du service de loisirs concerné.

Le problème juridique consiste à déterminer si l’exception au droit de rétractation s’oppose à un consommateur ayant conclu un contrat à distance avec un intermédiaire. Il convient de vérifier si la cession d’un droit d’accès par un mandataire constitue une prestation de services liée à des activités de loisirs.

La Cour répond que l’exception est opposable si le risque lié aux capacités réservées pèse sur l’organisateur et si l’activité prévoit une date d’exécution spécifique.

**I. La qualification de prestation de services liée à des activités de loisirs**

**A. L’inclusion de la cession de droits d’accès dans la notion de service**

La juridiction européenne rappelle d’abord que la notion de contrat de service doit faire l’objet d’une interprétation autonome et uniforme dans toute l’Union. Elle précise que « cette notion est définie de manière large, comme visant tout contrat, autre qu’un contrat de vente » au sens de la directive. La vente de billets porte sur la cession d’un droit et non sur un objet mobilier corporel, ce qui exclut la qualification de vente.

L’exécution de cette obligation par le professionnel constitue donc une prestation de services, même si le droit est constaté par un document physique ou numérique. Cette analyse assure une protection cohérente du consommateur tout en respectant les définitions strictes de l’article 2 de la directive 2011/83 relative aux droits des consommateurs.

**B. L’indifférence du recours à un intermédiaire de vente**

La Cour souligne ensuite que l’exception prévue par le législateur européen couvre l’ensemble des services fournis dans le secteur des activités de loisirs spécifiquement datées. Elle affirme que « l’exception prévue à cette disposition ne se limite pas aux seuls services visant directement la réalisation d’une activité de loisirs en tant que telle ». La cession d’un droit d’accès constitue ainsi, en elle-même, un service lié à cette activité, indépendamment de l’identité du vendeur final.

La directive prévoit expressément la possibilité pour un professionnel d’agir pour le compte d’un autre sans que cela ne modifie la nature du contrat. La circonstance que le service soit fourni par un intermédiaire agissant au nom de l’organisateur ne fait pas obstacle à l’application du régime dérogatoire.

**II. La finalité économique de l’exception au droit de rétractation**

**A. La protection contre le risque lié aux capacités réservées**

Le juge européen explique que l’objectif de l’article 16 sous l) consiste à protéger le professionnel contre le risque de réservation de capacités difficiles à remplir. L’octroi d’un droit de rétractation serait inapproprié pour des services dont la conclusion implique une immobilisation de ressources qui ne pourraient être revendues aisément. Cette exception sectorielle vise à établir un juste équilibre entre le niveau élevé de protection des consommateurs et la compétitivité nécessaire des entreprises.

La Cour considère qu’il est indifférent de savoir si les capacités libérées pourraient être revendues à d’autres clients au moment où le consommateur se rétracte. L’application de la règle ne doit pas dépendre d’une appréciation au cas par cas des circonstances de l’espèce pour garantir la sécurité juridique.

**B. La condition essentielle de l’imputation du risque financier**

La validité de l’exception repose sur la démonstration que le risque lié à l’exercice du droit de rétractation pèse effectivement sur l’organisateur de l’activité. La Cour affirme que « ce n’est que dans la mesure où ce risque pèse sur l’organisateur » que la cession du droit constitue un service lié. Si l’intermédiaire devait assumer seul la charge financière de l’annulation, l’application de l’exception ne serait plus justifiée au regard de la finalité du texte.

Enfin, le contrat doit impérativement prévoir une date ou une période d’exécution spécifique pour que le droit de rétractation soit valablement écarté par le juge. La décision de la Cour de justice confirme ainsi la primauté de la réalité économique du contrat sur la simple apparence formelle des parties.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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