Cour de justice de l’Union européenne, le 4 décembre 2014, n°C-243/13

Par un arrêt rendu sur le fondement de l’article 260, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la Cour de justice a sanctionné un État membre pour ne pas avoir exécuté une de ses précédentes décisions. Les faits ayant conduit à cette saisine trouvent leur origine dans un premier arrêt en manquement, rendu en 2012, par lequel la Cour avait constaté que ledit État n’avait pas respecté ses obligations découlant du droit de l’Union. Estimant que, plusieurs années après ce premier arrêt, les mesures nécessaires à sa pleine exécution n’avaient toujours pas été adoptées, la Commission européenne a introduit un nouveau recours. Cette seconde procédure visait à faire constater la persistance du manquement et à obtenir l’imposition de sanctions pécuniaires à l’encontre de l’État concerné. Il revenait donc à la Cour de justice de déterminer si le manquement à l’obligation d’exécuter le premier arrêt était caractérisé et, le cas échéant, de fixer la nature et le montant des sanctions appropriées pour assurer l’effectivité du droit de l’Union. En réponse, la Cour de justice a jugé que « le Royaume de Suède a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE » et a, en conséquence, prononcé à son encontre une double condamnation pécuniaire. La solution retenue par la Cour met en lumière la portée du mécanisme de contrôle de l’exécution de ses arrêts. Elle réaffirme ainsi le caractère contraignant de ses décisions pour les États membres (I), tout en faisant une application combinée et distincte des sanctions pécuniaires prévues par les traités (II).

I. La confirmation du manquement persistant de l’État membre

La décision de la Cour de justice repose d’abord sur la reconnaissance formelle que l’État membre n’a pas remédié à la situation sanctionnée par le premier arrêt (A), ce qui justifie le recours au mécanisme spécifique de l’article 260 du traité (B).

A. La constatation de l’inexécution d’un premier arrêt en manquement

Le point de départ du raisonnement de la Cour est l’existence d’un précédent arrêt, celui de 2012, qui établissait une violation du droit de l’Union par l’État membre. La procédure actuelle ne vise pas à rejuger le fond de cette affaire initiale mais à vérifier si l’État a pris, dans les délais impartis, les dispositions nécessaires pour se conformer à ce qui avait été jugé. La charge de la preuve de l’exécution repose sur l’État membre lui-même, qui doit démontrer à la Commission puis à la Cour les mesures concrètes adoptées. En l’espèce, en déclarant qu’il y a eu omission « de prendre les mesures nécessaires pour exécuter l’arrêt », la Cour établit un lien de causalité direct entre l’inaction de l’État et la violation continue de ses obligations. Ce constat objectif de carence constitue le préalable indispensable à toute sanction ultérieure.

B. L’application de l’article 260 du TFUE comme fondement de la sanction

La condamnation ne relève pas d’une procédure en manquement classique, mais de la procédure spécifique dite du « manquement sur manquement ». L’article 260, paragraphe 2, du TFUE confère à la Cour le pouvoir d’infliger des sanctions financières lorsqu’elle constate qu’un État membre n’a pas exécuté un de ses arrêts. Cette disposition constitue un instrument essentiel pour garantir la primauté et l’application uniforme du droit de l’Union. Le prononcé de la décision confirme que le simple constat d’une infraction initiale ne suffit pas si celui-ci ne débouche pas sur une mise en conformité effective. Le recours à ce fondement juridique témoigne de l’épuisement des voies de dialogue et de la nécessité d’exercer une contrainte financière pour que l’autorité de la chose jugée par la Cour soit respectée.

La reconnaissance de la persistance du manquement ouvre la voie à l’application des sanctions pécuniaires, dont la Cour module la nature et la portée pour répondre à des objectifs distincts et complémentaires.

II. La dualité fonctionnelle des sanctions pécuniaires

La Cour de justice fait usage de la panoplie des outils à sa disposition en prononçant une condamnation au paiement d’une astreinte journalière (A) ainsi que d’une somme forfaitaire (B), chaque sanction poursuivant une finalité propre.

A. Le caractère coercitif de l’astreinte journalière

En condamnant l’État membre à verser « une astreinte de 4 000 euros par jour de retard », la Cour met en œuvre une mesure dont la finalité est essentiellement coercitive. L’astreinte n’a pas pour but de punir le comportement passé, mais d’inciter l’État à se conformer le plus rapidement possible à l’arrêt initial. Elle ne commence à courir qu’à compter du jour du prononcé du présent arrêt et cessera dès que la mise en conformité sera établie. Son montant est calculé de manière à être à la fois proportionné et suffisamment dissuasif pour encourager une action rapide, tenant compte de la capacité de paiement de l’État et de la gravité de l’infraction. Cette sanction est donc tournée vers l’avenir, visant à mettre un terme au manquement dans les plus brefs délais.

B. La fonction répressive de la somme forfaitaire

Parallèlement, la Cour condamne l’État au paiement d’« une somme forfaitaire de 2 000 000 euros ». À la différence de l’astreinte, cette sanction a une vocation répressive et dissuasive. Elle vise à pénaliser la persistance du manquement durant la période écoulée entre le premier arrêt et la décision actuelle. Le montant de cette somme est fixé en considération de la durée et de la gravité de l’infraction, reflétant l’illégalité du comportement de l’État sur une longue période. La somme forfaitaire repose sur l’idée que la simple constatation d’un manquement passé, même s’il finit par cesser, ne peut rester sans conséquence. Elle constitue ainsi un instrument destiné à sanctionner l’atteinte portée à l’ordre juridique de l’Union et à prévenir la répétition de retards similaires.

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Hassan KOHEN
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