La Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée le 4 février 2015 sur l’articulation entre les régimes nationaux de sécurité sociale et le statut des agents. La juridiction était saisie de la question de la prise en compte, pour l’ouverture de droits au chômage, des périodes d’activité accomplies au service d’une institution de l’Union.
Une ressortissante d’un État membre a travaillé pour une institution européenne après avoir exercé des activités salariées sous le régime national. À l’issue de son contrat, elle a perçu des allocations de chômage européennes avant de solliciter à nouveau le bénéfice du régime de son État de résidence. L’organisme national de l’emploi a rejeté sa demande au motif que les journées travaillées au sein de l’institution ne constituaient pas des périodes de stage valables.
Le tribunal du travail de Bruxelles a d’abord annulé cette décision administrative, mais l’organisme gestionnaire a interjeté appel devant la Cour du travail de Bruxelles. Les juges du fond ont alors décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour de justice sur l’interprétation du principe de coopération loyale. Il s’agissait de déterminer si le droit de l’Union s’oppose à ce qu’un État refuse de comptabiliser les services effectués pour l’Union européenne.
La Cour de justice répond par l’affirmative en se fondant sur l’ancien article 10 du traité instituant la Communauté européenne. Elle estime que la réglementation nationale ne peut traiter différemment les agents contractuels de l’Union sans porter atteinte à la mission des institutions européennes. Cette obligation d’assimilation repose sur le principe de coopération loyale et vise à préserver la mobilité des agents contractuels au sein de l’espace européen.
I. L’assimilation des périodes de service au nom de la coopération loyale
A. L’obligation de faciliter l’accomplissement des missions de l’Union
La Cour rappelle que les États membres restent compétents pour organiser leurs systèmes de sécurité sociale en l’absence d’une harmonisation complète au niveau européen. Toutefois, l’exercice de cette compétence souveraine doit impérativement respecter les obligations découlant du principe de coopération loyale prévu par les traités. Ce principe impose aux autorités nationales de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l’exécution des obligations découlant des actes des institutions.
Le régime applicable aux autres agents de l’Union possède une portée générale et s’impose directement aux administrations de chaque État membre. La décision précise que « le régime applicable aux autres agents oblige également les États membres dans toute la mesure où leur concours est nécessaire à sa mise en œuvre ». Dès lors, une réglementation nationale ne saurait ignorer les périodes de travail effectuées au service d’un organe européen situé sur son propre territoire.
B. L’extension du raisonnement jurisprudentiel au risque de chômage
Le juge européen s’appuie sur une solution dégagée antérieurement en matière de pensions de retraite pour l’appliquer à l’indemnisation des travailleurs sans emploi. Il considère que le refus de prendre en compte les services accomplis pour l’Union est susceptible de décourager l’exercice d’une activité professionnelle au sein des institutions. Une telle pratique crée une rupture de continuité dans la carrière sociale du travailleur qui choisit de servir l’intérêt général européen.
La Cour souligne qu’une réglementation « est susceptible de dissuader les travailleurs résidant dans cet État membre d’exercer dans une institution de l’Union un emploi dont la durée les place dans la perspective d’une réinsertion ». Ce risque de perte de droits sociaux constitue une entrave au recrutement de personnels qualifiés par les organismes de l’Union. Le raisonnement assure ainsi une cohérence entre les différents domaines de la sécurité sociale en protégeant la mobilité fonctionnelle des citoyens.
II. La préservation de la mobilité des agents contractuels
A. La neutralisation des obstacles au recrutement européen
L’arrêt met en évidence que le maintien des droits acquis sous le régime national est une condition essentielle de l’attractivité des carrières européennes. Si les agents risquaient de ne pas totaliser les journées de travail requises pour percevoir des allocations nationales, les institutions peineraient à remplir leurs effectifs. La Cour protège donc la substance même du recrutement en interdisant toute discrimination négative fondée sur l’exercice d’un mandat contractuel européen.
La solution impose d’assimiler les journées de chômage indemnisées par l’Union à des journées de travail effectif selon les modalités prévues par la législation locale. L’arrêt précise que l’article 10 « s’oppose à une réglementation d’un État membre interprétée en ce sens que ne sont pas prises en compte les périodes de travail accomplies au sein d’une institution ». Cette injonction garantit que le passage par la fonction publique européenne ne se traduise pas par une précarité sociale accrue lors du retour sur le marché du travail national.
B. La portée de l’obligation d’assistance loyale des États
Cette décision confirme que le droit de l’Union intervient pour corriger les lacunes des systèmes nationaux lorsque ceux-ci affectent directement le fonctionnement administratif européen. Bien que le régime de l’Union soit complémentaire, il ne doit pas servir de prétexte à l’exclusion du bénéfice des prestations de sécurité sociale de base. L’obligation d’assistance mutuelle impose une lecture constructive des critères d’admissibilité fixés par les autorités nationales compétentes.
La portée de cet arrêt dépasse le cadre strict du litige pour affirmer un principe de neutralité sociale de la carrière au sein de l’administration européenne. En imposant cette assimilation, la Cour de justice prévient toute forme de sanction indirecte liée à la mobilité des travailleurs entre les régimes publics et européens. La loyauté fédérale commande ainsi une intégration harmonieuse des périodes de service afin de ne pas pénaliser les citoyens contribuant à la construction de l’Union.