Cour de justice de l’Union européenne, le 4 février 2021, n°C-324/19

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 4 février 2021, une décision préjudicielle portant sur la validité d’un règlement instituant un droit antidumping. Un importateur a contesté devant l’autorité douanière la légalité de droits perçus sur des tuyaux sans soudure en acier originaires d’un pays tiers. L’administration ayant rejeté sa demande de remboursement, le tribunal des finances de Hambourg a sursis à statuer pour interroger la Cour sur la validité du texte. Le litige porte sur la qualification d’une menace de préjudice important pour l’industrie européenne au sens de la réglementation relative à la défense commerciale. La juridiction européenne est ainsi invitée à examiner la légalité des critères retenus par les institutions pour justifier l’imposition de mesures de protection douanière.

I. L’appréciation erronée de la vulnérabilité de l’industrie de l’Union

A. L’absence de corrélation entre les données économiques et la fragilité alléguée

Le Conseil avait conclu à la vulnérabilité de l’industrie européenne malgré l’absence de préjudice constaté durant la période d’enquête initiale menée par la Commission. La Cour relève pourtant que les indices économiques identifiés mettaient « au contraire en évidence, dans leur ensemble, une évolution positive de la situation de l’industrie ». Les juges soulignent que l’aptitude à investir est contredite par l’augmentation des investissements de cette industrie de près de cent quatre-vingt-cinq pour cent durant la période. Cette distorsion entre les faits matériels et les conclusions administratives constitue une erreur manifeste d’appréciation privant de fondement la thèse d’une situation de vulnérabilité.

B. L’insuffisance de la démonstration relative au défaut de rétablissement industriel

Les institutions invoquaient également un rétablissement incomplet des pratiques antérieures pour justifier le maintien d’une protection douanière renforcée contre les importations du pays tiers. Cette position n’était toutefois étayée par aucun élément concret et ne pouvait se déduire des facteurs économiques analysés par les services de la Commission. La Cour précise qu’une simple situation de vulnérabilité potentielle pour l’avenir ne suffit pas à établir la réalité d’une fragilité présente au terme de l’enquête. L’imprécision des motifs retenus par le Conseil démontre une méconnaissance des exigences de preuve rigoureuses imposées par le règlement de base en matière de défense commerciale.

II. La sanction du défaut de caractérisation d’une menace de préjudice imminent

A. Le démenti des prévisions par les données postérieures à la période d’enquête

La détermination d’une menace suppose que le changement de circonstances créant un préjudice soit « clairement prévisible et imminent » pour justifier l’adoption de mesures définitives. Or, les données postérieures à la période d’enquête contredisent les prévisions initiales puisque les importations litigieuses ont « nettement diminué » en volume absolu sur le marché. Le Conseil a également failli à démontrer un effet dépressif sur les prix, la différence entre les tarifs européens et ceux des importations s’étant même réduite. Les faits ne permettent donc pas de considérer que les facteurs de risque visés par la législation européenne étaient effectivement réunis lors de l’adoption de l’acte.

B. L’invalidité générale tirée de la violation du règlement de base

L’invalidité du règlement découle de la violation des dispositions combinées relatives à la détermination d’une menace et à l’imposition des droits antidumping par le Conseil. Cette irrégularité revêt un caractère général car elle affecte les conclusions économiques globales sur lesquelles repose l’ensemble du dispositif fiscal applicable à tous les importateurs. Bien que l’acte n’ait été annulé précédemment que pour une seule société exportatrice, ses vices structurels imposent une déclaration d’invalidité produisant des effets juridiques complets. La Cour dit pour droit que le règlement est invalide, garantissant ainsi le respect de la légalité et de la protection des opérateurs économiques européens.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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