Dans une décision préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne a été amenée à se prononcer sur la validité d’un règlement d’exécution de la Commission relatif au classement tarifaire d’un appareil de traitement de billets de banque. Les faits à l’origine du litige concernent une société importatrice d’un dispositif conçu pour être intégré dans des automates, tels que des caisses en libre-service ou des distributeurs de tickets. Cet appareil assure la vérification de l’authenticité des billets, leur tri, leur stockage dans des coffrets et leur éventuelle distribution. Initialement, ce produit avait fait l’objet de classements tarifaires divergents au sein de l’Union, certains le rattachant à la position 9031 de la nomenclature combinée (NC) en tant qu’instrument de mesure ou de contrôle, d’autres à la position 8472 en tant que machine de bureau. Pour mettre fin à cette insécurité juridique, la Commission européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) 2016/1760, classant le produit sous la position 8472. L’administration douanière nationale ayant, en conséquence, délivré un renseignement tarifaire contraignant conforme à ce règlement, la société importatrice l’a contesté devant une juridiction nationale. Celle-ci, éprouvant des doutes sur la conformité du règlement d’exécution avec les règles de la nomenclature combinée, a saisi la Cour de justice d’une question préjudicielle portant sur sa validité. Il était ainsi demandé si la Commission avait, à juste titre, classé le dispositif litigieux dans la catégorie des machines de bureau au lieu de celle des instruments de contrôle, soulevant la question de la détermination de la fonction principale d’une machine composite. La Cour de justice a conclu que l’examen des questions posées n’avait révélé aucun élément de nature à affecter la validité du règlement d’exécution, jugeant que la fonction principale du dispositif n’était pas le contrôle en soi, mais l’ensemble des opérations de traitement de billets en vue d’un paiement. Cette décision, qui valide la démarche de la Commission, s’appuie sur une analyse fonctionnelle du produit pour déterminer son classement (I), ce qui conduit à confirmer la portée particulièrement large de la position relative aux machines de bureau (II).
I. La justification du classement tarifaire par une analyse fonctionnelle
La Cour de justice valide le classement opéré par le règlement d’exécution en se fondant sur une application rigoureuse des règles d’interprétation de la nomenclature combinée. Elle écarte une classification fondée sur la seule fonction de contrôle de l’appareil (A) pour retenir celle qui caractérise l’ensemble de ses opérations, à savoir la fonction de traitement des paiements (B).
A. L’exclusion d’une classification fondée sur la fonction de contrôle
La juridiction de renvoi et la société importatrice soutenaient que la fonction de vérification de l’authenticité des billets, qui recourt à une technologie de détection optique et magnétique de haute précision, était déterminante. Une telle fonction relèverait, selon elles, du chapitre 90 de la nomenclature combinée, qui vise les « instruments, appareils et machines de mesure ou de contrôle ». La Cour écarte ce raisonnement en soulignant que la fonction de contrôle exercée par le dispositif n’est pas une finalité en soi. Elle rappelle que le chapitre 90 englobe généralement des instruments qui « se caractérisent essentiellement par le fini de leur fabrication et leur grande précision », destinés notamment à des usages scientifiques ou à des applications industrielles très particulières. Or, si le dispositif en cause effectue bien un contrôle, celui-ci n’est qu’une étape préliminaire et nécessaire à l’accomplissement d’autres tâches. La Cour estime que la Commission a pu considérer, sans commettre d’erreur manifeste, que le dispositif « est plus qu’une simple machine de contrôle au sens de cette position ». En effet, la validation des billets n’est pas l’objectif ultime du produit, mais un moyen pour assurer les opérations subséquentes. Cette approche restrictive de la position 9031 est d’ailleurs corroborée par la note 1, sous g), du chapitre 90, qui exclut expressément de son champ d’application certains produits munis d’un équipement de mesure mais relevant du chapitre 84.
B. La consécration d’une classification fondée sur la fonction principale de paiement
Après avoir écarté la fonction de contrôle comme critère principal, la Cour s’attache à identifier la fonction qui caractérise l’ensemble du dispositif. Se référant aux notes 3 et 4 de la section XVI de la nomenclature, elle constate que le produit est une machine assurant plusieurs fonctions complémentaires et constituée d’éléments distincts en vue d’une fonction bien déterminée. Dans ce cas, le classement doit être déterminé « suivant la fonction principale qui caractérise l’ensemble ». La Cour observe que le dispositif, au-delà de la vérification, « accomplit également des tâches telles que le tri et la répartition des billets de banque entre différents coffrets ainsi que la distribution de billets de banque ». Ces opérations concourent à une finalité unique, qui est le paiement d’un service ou d’un produit fourni par la machine hôte. La fonction principale est donc le traitement mécanique des espèces dans le cadre d’une transaction. Or, la position 8472 de la nomenclature, en visant les « autres machines et appareils de bureau », inclut expressément des machines manipulant de l’argent, telles que les « distributeurs automatiques de billets de banque » et les « machines à trier, à compter ou à encartoucher les pièces de monnaie ». La Cour conclut que les différentes fonctions du dispositif sont toutes couvertes par cette position, le contrôle de l’authenticité n’étant qu’une composante d’un ensemble plus large relevant du maniement d’espèces.
II. La confirmation de la portée étendue de la position « machines de bureau »
En validant le classement du dispositif sous la position 8472, la Cour de justice confirme l’interprétation large de la notion de « machine de bureau » (A), consolidant ainsi une jurisprudence qui privilégie la finalité économique et pratique d’un produit sur ses seules caractéristiques techniques (B).
A. Une conception extensive de la notion de « machine de bureau »
La Cour rappelle que la notion de « machines ou appareils de bureau » doit être comprise dans un sens large. Elle s’appuie sur les notes explicatives du Système Harmonisé (SH) qui précisent que cette catégorie couvre non seulement les appareils utilisés dans les bureaux proprement dits, mais également ceux employés dans une grande variété de contextes professionnels comme « les magasins, les usines, les ateliers, les écoles, les gares, les hôtels ». Le critère déterminant n’est pas le lieu d’utilisation, mais la nature du travail exécuté, c’est-à-dire un « travail de bureau » entendu largement comme incluant l’enregistrement, la tenue de documents ou la comptabilité. Le maniement d’espèces, qu’il s’agisse de tri, de comptage ou de distribution, constitue une tâche traditionnellement administrative que ces machines automatisent. En conséquence, un appareil comme celui en cause, bien que destiné à être intégré dans un distributeur automatique, accomplit des tâches propres au travail de bureau et relève donc de la position 8472. La Cour ajoute que la portée vaste de cette position est confirmée par le caractère non exhaustif des listes d’exemples figurant dans le libellé et les notes explicatives.
B. La portée de la solution pour les machines composites
Cette décision a une portée significative pour le classement des machines composites qui intègrent une composante technologique avancée au service d’une fonction plus générale. Elle établit clairement que la présence d’un dispositif de mesure ou de contrôle, même sophistiqué, ne suffit pas à entraîner une classification dans le chapitre 90 si cette fonction est subordonnée à la fonction principale de la machine. Pour de tels produits, l’analyse doit porter sur la finalité d’ensemble du dispositif aux yeux de l’utilisateur. En l’espèce, le but n’est pas d’obtenir une mesure de l’authenticité d’un billet pour elle-même, mais de réaliser une opération de paiement sécurisée. En consacrant la primauté de la fonction principale sur les fonctions accessoires, la Cour de justice offre une grille de lecture claire et renforce la sécurité juridique pour les opérateurs économiques important des produits multifonctionnels. Elle confirme que le pouvoir d’appréciation de la Commission dans l’adoption des règlements de classement, bien que large, doit s’exercer dans le respect de la structure et de la logique de la nomenclature, ce qui a été le cas en l’espèce.