Cour de justice de l’Union européenne, le 4 juillet 2018, n°C-532/17

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 4 juillet 2018, une décision importante précisant la notion de transporteur aérien effectif. Ce litige opposait des passagers à une compagnie aérienne suite au retard important d’un vol dont le trajet avait été sous-traité. Le différend portait sur l’obligation d’indemnisation incombant au propriétaire de l’appareil ayant fourni l’équipage dans le cadre d’un contrat de location.

Saisie par le Landgericht de Hambourg le 29 juin 2017 d’une question préjudicielle, la juridiction s’interrogeait sur l’identité du débiteur de l’indemnité réglementaire. La juridiction européenne devait déterminer si le loueur d’un avion avec équipage constitue le transporteur effectif malgré l’absence de responsabilité opérationnelle. Elle décide qu’un tel transporteur ne saurait être qualifié de transporteur aérien effectif dès lors qu’il ne fixe pas l’itinéraire de l’opération.

I. La primauté de la responsabilité opérationnelle dans la qualification du transporteur

A. L’élément central du vol défini comme unité de transport

Pour définir le transporteur effectif, la Cour s’appuie sur la notion de vol, entendue comme « une opération de transport aérien réalisée par un transporteur aérien qui fixe son itinéraire ». Cette définition impose d’identifier l’entité qui prend la décision souveraine de réaliser un trajet précis afin de créer une offre commerciale. Le juge considère que seul le transporteur fixant les conditions techniques et temporelles du voyage assume la responsabilité juridique de son exécution.

L’indemnisation est due par le transporteur qui, dans son activité, prend la décision de réaliser un vol précis et d’en fixer l’itinéraire. L’adoption d’une telle décision implique que ce transporteur assume la responsabilité de la réalisation dudit vol, y compris de ses éventuels retards importants. Cette approche fonctionnelle écarte les prestataires techniques qui n’exercent aucune influence sur la programmation des liaisons aériennes proposées aux passagers.

B. L’exclusion logique du bailleur de l’appareil et de l’équipage

Le contrat de location avec équipage, ou wet lease, ne transfère pas la qualité de transporteur effectif au simple fournisseur de moyens techniques. Le bailleur se contente de mettre à disposition un appareil sans participer activement à la programmation ou à la gestion commerciale de la liaison. En l’absence de pouvoir décisionnel sur l’itinéraire, ce prestataire ne remplit pas la condition cumulative de réalisation du vol exigée par le texte.

L’application du règlement doit ainsi se concentrer sur l’entité disposant des leviers opérationnels pour prévenir ou gérer les éventuels retards de transport. La Cour affirme qu’un transporteur qui donne en location un appareil et un équipage ne saurait être qualifié de transporteur aérien effectif. Cette interprétation garantit que les obligations juridiques pèsent sur la partie capable de maîtriser les aléas liés à l’organisation du trajet aérien.

II. Les impératifs de protection des passagers et de clarté juridique

A. La garantie d’une indemnisation simplifiée pour le consommateur

La solution retenue par la Cour vise à garantir un niveau élevé de protection aux passagers en évitant toute confusion sur le débiteur. En désignant le transporteur ayant pris la décision de réaliser le vol, le juge assure que l’indemnisation ne dépendra pas d’accords privés. Le passager bénéficie ainsi d’un interlocuteur identifié sans avoir à subir les conséquences des arrangements contractuels internes conclus entre les compagnies.

Cette solution permet de garantir que les passagers transportés seront indemnisés ou pris en charge sans avoir à tenir compte des arrangements contractuels internes. L’objectif est d’assurer l’application effective du règlement indépendamment du fait que le transporteur soit propriétaire de l’avion ou simple locataire de l’appareil. Le droit à indemnisation demeure ainsi solidement rattaché à l’entité qui commercialise et organise concrètement le service de transport aérien.

B. L’indifférence des mentions portées sur la confirmation de réservation

La présence du nom d’une compagnie sur le billet n’emporte pas nécessairement sa qualification de transporteur effectif au sens du règlement européen. Bien que cette information soit utile pour d’autres réglementations relatives à la sécurité, elle ne saurait préjuger de la responsabilité en cas de retard. La Cour souligne que les différents règlements européens poursuivent des objectifs distincts qui ne se recoupent pas systématiquement dans la définition des acteurs.

La réalité opérationnelle de la décision de transport l’emporte donc sur les simples indications formelles fournies au voyageur lors de sa réservation initiale. Si cette indication apparaît comme pertinente dans le cadre de la sécurité, elle ne saurait préjuger de l’identification du transporteur aérien effectif. Le juge européen privilégie ainsi une analyse matérielle de la mission de transport pour désigner le responsable final des dommages causés.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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