Cour de justice de l’Union européenne, le 4 juin 2015, n°C-195/14

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 4 juin 2015, précise les exigences relatives à l’étiquetage des denrées alimentaires. Cette décision intervient suite à un litige concernant la commercialisation d’une infusion dont l’emballage suggérait la présence de fruits absents de sa composition réelle.

Une association de protection des consommateurs reprochait à une entreprise de tromper l’acheteur par des représentations graphiques de framboises et de fleurs de vanille. Le Landgericht de Düsseldorf accueillit cette demande par un jugement du 16 mars 2012 avant que l’Oberlandesgericht de Düsseldorf ne l’annule le 19 février 2013.

Saisi d’un recours, le Bundesgerichtshof s’interroge sur la compatibilité de cet étiquetage avec le droit de l’Union, l’absence des ingrédients n’apparaissant que dans la liste officielle. Les juges européens doivent déterminer si une présentation visuelle suggestive peut induire en erreur malgré l’existence d’une liste d’ingrédients exacte et exhaustive.

La Cour juge que l’étiquetage ne doit pas suggérer la présence d’un ingrédient absent, même si cette absence est mentionnée dans la liste des composants. Elle souligne que l’examen d’ensemble des éléments de l’emballage prime sur la simple lecture des informations techniques situées sur le côté de la boîte.

**I. La primauté de la perception globale de l’emballage**

Les juges rappellent que l’étiquetage détaillé doit permettre au consommateur d’opérer un choix en toute connaissance de cause, conformément aux objectifs de la directive européenne. Cette protection implique que l’acheteur reçoive une information correcte, neutre et objective qui ne soit pas de nature à l’induire en erreur.

**A. L’exigence de neutralité dans la présentation visuelle**

L’étiquetage englobe les mentions, images ou signes figurant sur l’emballage, lesquels ne doivent pas être mensongers ou ambigus quant à la composition du produit. La Cour affirme que « l’étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas être de nature à induire l’acheteur en erreur ».

Le juge national doit évaluer si les éléments graphiques, tels que des dessins de fruits, créent une impression erronée chez un consommateur moyen normalement informé. Cette appréciation globale doit prendre en compte la taille, la couleur et l’emplacement de chaque mention pour vérifier la loyauté des informations commerciales transmises.

**B. L’insuffisance corrective de la liste des ingrédients**

L’existence d’une liste d’ingrédients exacte et exhaustive ne suffit pas nécessairement à dissiper une confusion engendrée par d’autres composants visuels de l’emballage de la denrée. La juridiction précise que cette liste peut être « inapte à corriger de manière suffisante l’impression erronée ou équivoque » résultant de la présentation générale du produit.

Si l’étiquetage suggère la présence d’un composant absent, la simple mention technique de cette absence ne garantit pas la protection des intérêts économiques du consommateur. L’acheteur potentiel est ainsi protégé contre des sollicitations visuelles contradictoires qui pourraient le détourner de la lecture attentive de la composition réelle de l’infusion.

**II. Le renforcement de la protection du consommateur européen**

Cette décision s’inscrit dans une volonté de moraliser les pratiques commerciales au sein du marché intérieur en imposant une cohérence entre l’image et la réalité. Elle impose aux opérateurs économiques une vigilance accrue lors de la conception des emballages afin d’éviter toute forme de publicité jugée trompeuse ou déloyale.

**A. La référence au standard du consommateur moyen**

Le critère retenu pour caractériser la tromperie repose sur l’attente présumée d’un consommateur raisonnablement attentif et éclairé quant à la qualité de la denrée alimentaire. Les juges soulignent que l’essentiel demeure de ne pas amener l’acheteur à considérer que le produit possède des qualités différentes de ce qu’elles sont.

Le juge national doit donc se placer du point de vue de cet individu de référence pour analyser la syntaxe et la ponctuation des divers éléments. Cette méthode permet d’identifier si la juxtaposition d’images naturelles et de mentions aromatiques produit un effet global susceptible de fausser le jugement de l’acheteur.

**B. Une solution de principe pour le droit de l’étiquetage**

L’arrêt pose une règle générale interdisant de suggérer la présence d’un ingrédient absent, même si cette information est vérifiable par une lecture approfondie des mentions obligatoires. Cette interprétation extensive de la directive assure une protection efficace des consommateurs en sanctionnant les contradictions manifestes entre les promesses graphiques et la composition.

La portée de cette jurisprudence s’étend à l’ensemble des denrées alimentaires dont le marketing repose sur la mise en avant de saveurs ou d’ingrédients naturels spécifiques. Elle oblige désormais les juridictions nationales à privilégier l’impression d’ensemble sur l’exactitude purement technique des mentions figurant en petits caractères sur les produits de consommation.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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