Par cet arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne vient préciser l’interprétation de la directive 1999/44/CE relative aux garanties des biens de consommation, renforçant de manière significative la protection des acquéreurs. Les faits sous-jacents, tels qu’ils peuvent être déduits de la décision, concernent un litige opposant un vendeur professionnel à un acquéreur au sujet d’un défaut de conformité apparu sur un bien après sa livraison. La procédure a conduit une juridiction nationale, confrontée à l’incertitude quant à l’application des règles de protection consuméristes, à saisir la Cour de justice d’un renvoi préjudiciel. Les prétentions des parties mettaient en exergue une tension classique en la matière : le vendeur soutenait vraisemblablement que la charge de prouver l’origine du défaut incombait à l’acquéreur, tandis que ce dernier entendait bénéficier de la présomption de non-conformité prévue par le droit de l’Union. Le problème de droit posé à la Cour était donc multiple, portant sur l’étendue des obligations du juge national et sur les modalités d’application du régime probatoire de la garantie de conformité. Essentiellement, il s’agissait de déterminer si le juge doit soulever d’office la qualité de consommateur, si la présomption de non-conformité revêt un caractère d’ordre public et comment la charge de la preuve doit être répartie entre le vendeur et le consommateur. En réponse, la Cour de justice affirme l’obligation pour le juge national d’examiner d’office la qualité de consommateur, le caractère d’ordre public de la présomption de non-conformité, et elle clarifie le fardeau probatoire qui pèse sur chaque partie. La solution adoptée se distingue ainsi par la consolidation du rôle du juge en tant que garant des droits du consommateur (I) et par la clarification de la mise en œuvre des garanties de fond (II).
I. Le rôle accru du juge national dans la protection du consommateur
La décision de la Cour met en lumière le caractère impératif de la protection consumériste, ce qui se traduit par une mission renforcée du juge national. Celui-ci doit non seulement soulever d’office la qualité de consommateur (A), mais également appliquer des dispositions reconnues comme relevant de l’ordre public (B).
A. L’obligation de soulever d’office la qualité de consommateur
La Cour établit en premier lieu un principe fondamental en disposant que « le juge national saisi d’un litige […] est tenu, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet […], de vérifier si l’acquéreur peut être qualifié de consommateur au sens de ladite directive, même si ce dernier n’a pas invoqué cette qualité ». Cette solution impose au juge un rôle actif, dépassant la simple application des règles invoquées par les parties. Il ne peut rester passif face à une situation où l’une des parties, en l’occurrence le consommateur, est structurellement en position de faiblesse. Cette obligation de vigilance prévient le risque qu’un consommateur, par méconnaissance de ses droits ou par erreur, ne bénéficie pas du régime protecteur qui lui est pourtant applicable. L’intervention d’office du juge devient ainsi le corollaire indispensable de l’objectif de rééquilibrage contractuel poursuivi par la directive.
B. La reconnaissance du caractère d’ordre public des garanties
Dans un second temps, la Cour qualifie le mécanisme central de la directive. Elle juge que l’article 5, paragraphe 3, instaurant la présomption de non-conformité, « doit être considéré comme une norme équivalente à une règle nationale qui occupe, au sein de l’ordre juridique interne, le rang de norme d’ordre public ». La conséquence directe de cette qualification est que le juge national est tenu d’appliquer d’office la transposition de cette disposition. Cette approche confère une force particulière à la garantie, la soustrayant à la volonté des parties qui ne sauraient y déroger contractuellement au détriment du consommateur. En érigeant cette présomption au rang de norme d’ordre public, la Cour assure son effectivité et empêche que les protections édictées par le législateur de l’Union ne soient vidées de leur substance par des pratiques nationales ou des stipulations contractuelles contraires.
II. La consolidation des garanties de fond au profit du consommateur
Au-delà du rôle du juge, l’arrêt précise de manière substantielle le régime des garanties dues au consommateur. Il consacre un régime probatoire qui lui est manifestement favorable (A) et affirme par là même la portée harmonisatrice de la directive au sein de l’Union (B).
A. La consécration d’un régime probatoire favorable
La Cour de justice clarifie la répartition de la charge de la preuve relative au défaut de conformité. Elle énonce que la présomption d’antériorité du défaut « s’applique dès lors que le consommateur rapporte la preuve que le bien vendu n’est pas conforme au contrat et que le défaut de conformité en cause est apparu […] dans un délai de six mois à compter de la livraison ». Le fardeau probatoire du consommateur est donc allégé de manière considérable. Il n’a qu’à démontrer l’existence d’un défaut et sa manifestation dans le délai imparti. Plus important encore, la Cour précise que « le consommateur n’est pas tenu de prouver la cause de ce défaut de conformité ni d’établir que l’origine de celui-ci est imputable au vendeur ». La charge de la preuve est alors renversée : il incombe au vendeur, pour écarter la présomption, d’établir « que la cause ou l’origine dudit défaut de conformité réside dans une circonstance survenue après la délivrance du bien ». Ce faisant, la Cour rend la garantie de conformité pleinement opérante pour le consommateur durant les six premiers mois suivant l’achat.
B. La portée harmonisatrice de la solution
Enfin, cette décision revêt une portée considérable pour l’harmonisation du droit de la consommation dans l’Union européenne. En imposant une interprétation stricte et uniforme des conditions d’application de la présomption de non-conformité, la Cour prévient les divergences d’application entre les États membres. Elle s’assure que le niveau de protection défini par la directive ne soit pas amoindri par des règles de procédure ou de preuve nationales qui rendraient son exercice « impossible ou excessivement difficile ». L’arrêt tempère cette protection en validant l’existence d’une obligation pour le consommateur d’informer le vendeur en temps utile, mais encadre cette obligation de conditions strictes, notamment un délai minimal de deux mois. La décision constitue donc un arrêt de principe qui renforce l’effet utile de la directive et garantit à tous les consommateurs de l’Union un socle commun de droits effectifs et concrets lorsqu’ils sont confrontés à un bien non conforme.