La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le quatre juin deux mille vingt, a précisé l’interprétation de la directive relative aux marchés publics. Le litige trouvait son origine dans une décision d’une autorité administrative nationale contestant la validité d’une centrale d’achat constituée par plusieurs petites communes. Le Conseil d’État italien, par une ordonnance du sept novembre deux mille dix-huit, a sollicité une décision préjudicielle afin de vérifier la conformité des restrictions nationales. En réponse, la Cour écarte l’existence d’une incompatibilité entre ces contraintes organisationnelles et les dispositions de la directive modifiée par le règlement de deux mille treize.
La question posée au juge consistait à savoir si le droit de l’Union autorise un État membre à restreindre les choix de coopération de ses subdivisions. La Cour répond par l’affirmative, validant ainsi la faculté pour le législateur national de privilégier des structures exclusivement publiques pour la gestion des besoins communaux. Elle accepte également que l’action de ces groupements soit strictement confinée au ressort géographique des collectivités fondatrices pour préserver l’organisation territoriale choisie. L’analyse portera sur la validité des restrictions structurelles imposées à l’autonomie des collectivités, avant d’aborder la légitimité des limites territoriales fixées par la norme.
I. La validité des restrictions structurelles à l’autonomie des collectivités
A. L’encadrement des modèles de coopération publique
Le juge européen reconnaît que les États membres peuvent légitimement encadrer les modalités par lesquelles les petites autorités locales procèdent à leurs achats groupés. Cette interprétation repose sur le constat que la directive ne s’oppose pas à une disposition limitant « l’autonomie d’organisation des petites collectivités locales ». La liberté de choix des administrations locales n’est donc pas absolue lorsqu’elle s’exerce dans le cadre défini par la politique nationale de commande publique.
Cette approche préserve la faculté pour l’État de rationaliser les procédures de passation afin de garantir une meilleure efficacité économique et une sécurité juridique. Les autorités nationales peuvent ainsi imposer un nombre restreint de modèles d’organisation sans méconnaître les principes fondamentaux de la coordination des marchés publics. Cette limitation de l’autonomie communale est jugée compatible avec les exigences de la directive car elle participe à l’organisation interne de l’administration publique.
B. L’exclusion licite des opérateurs privés du dispositif
La Cour souligne que les modèles de coopération peuvent se limiter à des structures « exclusivement publiques, sans la participation de personnes ou d’entreprises privées ». Cette précision valide la volonté de maintenir certaines activités d’intérêt général en dehors de la sphère concurrentielle immédiate pour favoriser la solidarité entre communes. Le droit de l’Union respecte ainsi le choix politique de certains États de confier la mutualisation des achats à des organismes purement institutionnels.
Le refus d’ouvrir ces centrales d’achat à des capitaux privés ne constitue pas une entrave injustifiée à la liberté du commerce et de l’industrie. La décision confirme que la coopération public-public demeure une modalité d’organisation protégée face aux règles de mise en concurrence applicables aux contrats commerciaux. La restriction du cercle des partenaires s’accompagne par ailleurs d’une délimitation rigoureuse de l’espace géographique dans lequel ces structures peuvent légalement intervenir.
II. La légitimité du périmètre territorial imposé aux centrales d’achat
A. Une limitation spatiale conforme au droit de l’Union
Le dispositif national critiqué prévoit que les centrales d’achat créées par les autorités locales doivent exercer leurs missions sur un territoire strictement défini. La Cour affirme que les textes européens « ne s’opposent pas à une disposition de droit national qui limite le champ d’action des centrales d’achat ». Cette restriction territoriale permet d’assurer une proximité entre le prestataire public et les besoins spécifiques des populations concernées par la commande.
Cette limitation géographique évite que des structures locales ne se transforment en opérateurs économiques d’envergure nationale sans respecter les règles de concurrence usuelles. Le législateur national peut ainsi prévenir les risques de distorsion du marché intérieur en contenant l’influence des centrales publiques dans leurs limites administratives. La solution adoptée par le juge européen conforte la structure administrative de l’État tout en encadrant les effets économiques des groupements de commandes.
B. La préservation de l’équilibre entre centralisation et concurrence
La validation de ces contraintes spatiales s’inscrit dans une volonté de maintenir un équilibre entre l’efficacité de la mutualisation et le respect du marché. En limitant les interventions au « territoire de ces collectivités locales », la Cour prévient la création de monopoles publics excessifs qui pourraient évincer les entreprises. Cette approche prudente garantit que la centralisation des achats reste un outil de gestion interne plutôt qu’un instrument de domination économique.
La portée de cet arrêt réside dans la confirmation de la souveraineté organisationnelle des États sur leurs subdivisions territoriales en matière de marchés publics. Les autorités nationales disposent d’un pouvoir de régulation étendu pour structurer les achats publics tant que les principes de transparence sont respectés. Cette décision sécurise les politiques de rationalisation administrative menées par les gouvernements nationaux tout en balisant strictement les contours de la coopération.