Cour de justice de l’Union européenne, le 4 juin 2020, n°C-41/19

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 4 juin 2020, se prononce sur l’interprétation du règlement relatif aux obligations alimentaires. Le litige au principal oppose un père à sa fille au sujet du recouvrement d’une pension mensuelle fixée par une juridiction polonaise. Une juridiction de district située à Cologne a autorisé l’exécution de cette décision sur le territoire allemand en juillet 2016. Le débiteur a alors introduit une action en opposition afin de contester la procédure d’exécution forcée engagée contre lui. Il soutient avoir déjà acquitté sa dette, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un organisme public de son État d’origine. Le tribunal de district de Cologne s’interroge sur sa compétence internationale pour connaître d’une telle contestation au regard du droit de l’Union. La question posée à la Cour porte sur l’inclusion de cette action dans le champ du règlement de 2008 ou de celui de 2012. Les juges luxembourgeois décident que cette action relève du premier texte et attribuent la compétence aux juridictions de l’État membre d’exécution.

I. L’assujettissement de l’action en opposition au régime spécifique des obligations alimentaires

Le règlement de 2008 constitue une législation spéciale régissant les conflits de juridictions et l’exécution des décisions pour les créances alimentaires familiales. Les dispositions de ce texte remplacent celles du régime général de l’Union afin de garantir une célérité accrue dans le traitement des litiges. La Cour précise que ce cadre juridique « constitue une lex specialis en ce qui concerne, notamment, les questions de compétence » dans ce domaine. Cette spécialité exclut l’application du règlement de 2012, lequel écarte expressément les obligations alimentaires découlant de relations de parenté. L’action introduite par le débiteur s’inscrit pleinement dans ce domaine matériel car elle concerne la mise en œuvre d’une créance de nature familiale.

L’analyse de la nature juridique de la contestation confirme son rattachement aux règles protectrices du créancier d’aliments définies par le législateur européen. Les juges soulignent que l’action en opposition à l’exécution « entretient un lien étroit avec la procédure d’exécution » dès lors qu’elle en conteste les modalités. Ce lien structurel justifie l’application homogène des dispositions du règlement spécial pour l’ensemble du contentieux lié au recouvrement de la pension. Une telle qualification permet d’assurer une cohérence globale entre le titre exécutoire initial et les incidents susceptibles de survenir durant sa phase d’exécution. La détermination de la loi applicable et de la compétence juridictionnelle suit ainsi le régime unifié voulu par les institutions de l’Union.

II. La consécration de la compétence internationale des juridictions de l’État d’exécution

La compétence des tribunaux de l’État où l’exécution est demandée découle de la nécessité d’une administration de la justice efficace et prévisible. L’article 41 du règlement prévoit que « la procédure d’exécution des décisions rendues dans un autre État membre est régie par le droit de l’État membre d’exécution ». Les juges déduisent de ce principe une compétence implicite mais nécessaire des tribunaux locaux pour trancher les litiges greffés sur cette procédure. Une solution inverse obligerait le créancier à se défendre devant les juges de l’État d’origine, alourdissant ainsi inutilement les démarches judiciaires. La proximité entre l’organe d’exécution et le juge saisi des contestations favorise une résolution rapide des difficultés pratiques rencontrées par les parties.

Cette attribution de compétence n’autorise cependant pas une remise en cause du fond de la décision initiale rendue par la juridiction d’origine. Le droit de l’Union interdit formellement que la décision fasse l’objet « d’une révision quant au fond dans l’État membre dans lequel l’exécution est demandée ». L’action fondée sur l’acquittement de la dette ne vise pas à modifier l’obligation mais à vérifier si elle subsiste au moment de son recouvrement. L’appréciation des preuves relatives aux paiements effectués relève souverainement de la juridiction saisie de l’opposition, conformément aux règles procédurales nationales en vigueur. L’intervention d’un organisme public ne modifie pas cette analyse puisque les modalités de paiement n’affectent pas la substance du titre judiciaire initial.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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