Cour de justice de l’Union européenne, le 4 mai 2017, n°C-699/15

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 4 mai 2017, précise le régime des exonérations fiscales applicables aux établissements d’enseignement. Un institut de formation supérieure permettait à ses étudiants d’acquérir des compétences pratiques en exploitant un restaurant et en produisant des spectacles ouverts au public. Ces prestations étaient facturées à un tarif réduit représentant environ quatre-vingts pour cent du coût réel et s’adressaient exclusivement à un public restreint. L’administration fiscale nationale ayant refusé l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée, le litige fut porté devant les juridictions de première instance et d’appel. La Court of Appeal d’Angleterre et du pays de Galles a saisi la juridiction européenne d’une question préjudicielle par une ordonnance du 2 décembre 2015. Les juges devaient déterminer si ces services de restauration et de divertissement constituaient des opérations « étroitement liées » à l’enseignement au sens de la directive. La Cour de justice affirme que de telles activités sont exonérées dès lors qu’elles s’avèrent indispensables à la formation sans générer de concurrence commerciale déloyale. L’examen de la qualification juridique de ces prestations accessoires précédera l’analyse des conditions relatives à la préservation de la neutralité du système commun de taxe.

I. L’identification du caractère accessoire des prestations fournies

A. Une prestation subordonnée à l’enseignement principal

La directive européenne prévoit l’exonération des services « étroitement liés » à l’enseignement s’ils sont effectués par des organismes de droit public ou reconnus comparables. L’opération est accessoire lorsqu’elle constitue « non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal ». Les étudiants participaient activement à la préparation des repas et aux représentations artistiques afin de parfaire leur apprentissage théorique par une mise en situation concrète. L’analyse de cette subordination fonctionnelle appelle une vérification de la nécessité de ces exercices pour assurer la qualité de la formation dispensée par l’institut.

B. La nécessité pédagogique du cadre pratique

La Cour rappelle que les services doivent être « indispensables à l’accomplissement des opérations exonérées » pour bénéficier de l’exemption de la taxe sur la valeur ajoutée. Sans le concours de cette pratique professionnelle, la valeur de l’enseignement serait manifestement inférieure sans offrir une « valeur équivalente » aux exigences de la formation diplômante. L’enseignement théorique se trouve ainsi indissociable des volets pratiques qui permettent aux étudiants d’acquérir les réflexes nécessaires à l’exercice futur de leurs métiers d’art. La juridiction européenne valide ce lien de nécessité en constatant que l’absence de ces prestations priverait les étudiants d’une part substantielle de la qualité de leur cursus. Cette reconnaissance du caractère indispensable des travaux pratiques permet d’envisager les limites imposées par le respect de la concurrence entre les opérateurs économiques du marché intérieur.

II. Le maintien de la neutralité fiscale par l’absence de distorsion de concurrence

A. Un public et des conditions d’exploitation restreints

L’exonération est écartée pour les opérations « essentiellement destinées à procurer à l’organisme des recettes supplémentaires par la réalisation d’opérations effectuées en concurrence directe » avec le secteur commercial. Le restaurant d’application n’était accessible qu’après une réservation préalable et sous réserve d’atteindre un nombre minimal de trente couverts pour assurer l’intérêt de l’exercice. Ces contraintes opérationnelles distinguent fondamentalement l’établissement d’un restaurant classique où les réservations sont honorées sans condition de remplissage minimal pour les besoins de la formation. Cette délimitation du champ d’activité permet d’apprécier la finalité réelle de l’exploitation au regard des objectifs financiers de l’organisme d’enseignement supérieur concerné.

B. L’absence de finalité commerciale préjudiciable

Les prix pratiqués ne couvraient qu’une partie des coûts, démontrant l’absence de recherche de profit par l’organisme d’enseignement lors de l’exploitation commerciale de ses services. Le principe de neutralité fiscale interdit de traiter différemment des prestations semblables bien que les services offerts ici ne répondent pas aux mêmes besoins. L’activité n’est pas menée dans un but lucratif et vise la pérennité pédagogique du projet éducatif sans porter atteinte aux intérêts financiers des restaurateurs privés. Le juge national doit néanmoins vérifier que l’établissement n’agit pas avec une intention commerciale prédominante qui fausserait les mécanismes normaux de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette solution pragmatique concilie les impératifs de la formation professionnelle avec les règles strictes du droit fiscal européen garantissant une saine concurrence au sein des États membres.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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