Cour de justice de l’Union européenne, le 4 mai 2023, n°C-487/21

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 4 mai 2023, précise l’étendue du droit d’accès aux données personnelles. Ce litige concerne une agence de renseignements commerciaux ayant refusé de transmettre l’intégralité des documents originaux à une personne physique. Celle-ci sollicitait la communication des courriers électroniques et des extraits de bases de données contenant ses informations personnelles dans un format standardisé.

Le responsable du traitement s’est contenté de fournir une liste synthétique des données traitées, estimant satisfaire ainsi aux exigences du règlement européen. La personne concernée a alors saisi l’autorité de contrôle nationale qui a rejeté sa réclamation par une décision du 11 septembre 2019. Le tribunal administratif fédéral autrichien, saisi du recours, a décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour de justice à titre préjudiciel.

La question de droit porte sur l’interprétation de la notion de copie figurant à l’article 15, paragraphe 3, du règlement européen précité. Les juges luxembourgeois doivent déterminer si cette obligation impose la remise d’une reproduction exacte des documents originaux ou d’une simple synthèse. La Cour affirme que le droit d’obtenir une copie implique la fourniture d’une reproduction fidèle et intelligible de l’ensemble des données traitées. Cette solution privilégie une approche fonctionnelle de l’accès aux informations pour garantir l’effectivité des droits reconnus à la personne physique. L’analyse portera d’abord sur la définition matérielle de la copie avant d’envisager les conditions d’accès aux documents servant de support au traitement.

I. Une interprétation extensive de la notion de copie au profit de la personne concernée

A. L’exigence d’une reproduction fidèle et intelligible des données traitées

La Cour définit la copie comme la « reproduction ou la transcription fidèle d’un original » excluant ainsi toute description purement générale des données. Cette interprétation s’appuie sur le sens habituel du terme dans le langage courant tout en tenant compte de l’objectif de transparence. Le responsable du traitement ne peut se limiter à fournir un tableau synthétique si celui-ci ne reflète pas l’intégralité des informations personnelles. Les juges soulignent que l’expression « toute information » employée par le législateur européen reflète la volonté d’attribuer un sens très large aux données. La copie doit donc présenter l’ensemble des caractéristiques permettant à la personne de vérifier la licéité et l’exactitude du traitement effectué. Cette approche exhaustive de l’information personnelle prépare la reconnaissance d’un accès étendu aux supports physiques du traitement de données.

B. La possible remise d’extraits de documents ou de documents intégraux

L’obligation de fournir une copie peut s’étendre aux extraits de documents ou aux documents entiers lorsque la simple communication des données s’avère insuffisante. Cette extension est admise si elle est « indispensable pour permettre à la personne concernée d’exercer effectivement les droits » reconnus par le règlement. La Cour reconnaît que certaines informations, comme les avis ou les appréciations subjectives, nécessitent d’être consultées dans leur support d’origine pour être comprises. Cette approche permet d’aller au-delà de la simple liste brute pour atteindre une véritable intelligibilité des traitements complexes ou automatisés. Le droit d’accès ne porte pas sur le document en tant que tel mais sur les données personnelles qu’il contient impérativement. L’élargissement de la notion de copie sert principalement à garantir l’exercice des droits individuels fondamentaux par la personne concernée.

II. Un droit d’accès finalisé par l’exercice effectif des droits individuels

A. La nécessité d’une mise en contexte pour assurer la compréhension

La contextualisation des données traitées constitue un élément indispensable pour garantir un accès transparent et une présentation intelligible à la personne physique. Les juges rappellent que le droit d’accès doit permettre d’exercer les droits de rectification, d’effacement ou de limitation prévus par la réglementation européenne. Sans une connaissance précise du contexte, la personne serait incapable de s’assurer de l’exactitude des informations ou de contester leur usage licite. La décision précise que « la reproduction d’extraits de documents voire de documents entiers » peut s’avérer nécessaire pour éclairer le sens de données. Cette finalité pédagogique renforce le pouvoir de contrôle du citoyen sur ses informations numériques au sein d’une société de plus en plus automatisée. L’effectivité de ce droit d’accès contextualisé rencontre néanmoins une limite nécessaire dans la protection des droits appartenant aux tiers.

B. L’équilibre impératif avec les droits et libertés des tiers

Le droit d’obtenir une copie ne doit pas porter atteinte « aux droits et libertés d’autrui », notamment au secret des affaires. En cas de conflit entre ces intérêts divergents, le responsable du traitement doit procéder à une mise en balance des droits en présence. Les modalités de communication doivent être choisies pour minimiser l’impact sur les tiers tout en évitant de refuser toute information au demandeur. La Cour insiste sur le fait que ces considérations de confidentialité ne sauraient aboutir à une obstruction totale du droit d’accès individuel. Cette réserve garantit la protection des actifs immatériels des entreprises sans sacrifier la transparence nécessaire à la protection des libertés fondamentales.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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