Cour de justice de l’Union européenne, le 4 mars 2004, n°C-130/02

Par un arrêt du 4 mars 2004, la Cour de justice des Communautés européennes, saisie d’une question préjudicielle par une juridiction allemande, s’est prononcée sur l’interprétation de la nomenclature combinée du tarif douanier commun.

En l’espèce, une société de droit allemand commercialisant des mélanges destinés à la fabrication de boissons a sollicité de l’administration douanière un renseignement tarifaire contraignant. Ces produits se présentaient sous la forme de sirops composés majoritairement de sucre, d’eau et d’une faible proportion d’extrait de thé, à hauteur de 1,9 %. L’administration a classé ces marchandises dans la sous-position relative aux préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs, en raison de leur très faible teneur en extrait de thé. La société a contesté ce classement devant le Finanzgericht München, soutenant que ses produits devaient relever de la sous-position visant les préparations à base d’extraits de thé. La juridiction de renvoi, bien qu’inclinant à suivre l’analyse de l’administration, a constaté qu’un règlement de la Commission avait classé des produits similaires, contenant également une faible part d’extrait de thé, dans la position revendiquée par la société. Incertaine de l’interprétation des critères de classement et de la validité dudit règlement, elle a sursis à statuer.

La question posée à la Cour était donc de savoir si des mélanges alimentaires composés très majoritairement de sucre et d’une part minime d’extrait de thé peuvent être qualifiés de « préparations à base d’extraits de thé » au sens de la nomenclature douanière. Il s’agissait également pour la Cour de déterminer la validité d’un règlement de classement de la Commission ayant consacré une telle interprétation.

À cette question, la Cour répond par l’affirmative. Elle juge que le critère décisif pour le classement d’un produit composite est l’élément qui lui confère son caractère essentiel, indépendamment de sa proportion quantitative. Elle valide en conséquence le règlement de la Commission et précise que son raisonnement est applicable par analogie aux produits en litige. La Cour établit ainsi une interprétation qualitative du critère de classement (I), ce qui conduit à consacrer la portée normative des règlements de classement de la Commission (II).

***

I. La consécration d’une approche qualitative du classement douanier

L’arrêt précise les principes de classification des produits composites en affirmant la primauté du caractère essentiel conféré par un ingrédient sur sa simple proportion (A), tout en rappelant la pertinence de la destination du produit comme critère objectif (B).

A. La prévalence du caractère essentiel sur la composition quantitative

Le litige au principal reposait sur l’interprétation de l’expression « préparations à base de » figurant dans le libellé de la position tarifaire 2101. La juridiction de renvoi considérait que cette formule impliquait une prédominance quantitative de l’ingrédient de base, en l’occurrence l’extrait de thé. Une telle lecture aurait logiquement conduit à exclure les produits litigieux de cette position, le sucre y étant l’ingrédient principal.

La Cour de justice écarte cette analyse quantitative. Elle affirme que « ni le libellé de la position 2101, aussi bien dans la nc que dans le système harmonisé, ni la structure de ses sous-positions ne prescrivent de teneur minimale en thé pour les préparations qui y sont visées ». Ce faisant, elle privilégie une approche qualitative. L’élément déterminant n’est pas la masse ou le volume d’un composant, mais sa fonction dans le produit fini. Pour la Cour, il suffit que l’extrait de thé entre dans la fabrication « en tant qu’élément essentiel, conférant à ces préparations alimentaires leur caractère distinctif ». Ainsi, même en très faible quantité, l’extrait de thé est l’ingrédient qui distingue le produit d’un simple sirop de sucre et qui le destine à devenir une boisson au thé.

B. La confirmation de la destination du produit comme critère objectif

Pour conforter son raisonnement, la Cour rappelle une jurisprudence constante selon laquelle « la destination du produit peut constituer un critère objectif de classification pour autant qu’elle soit inhérente audit produit ». L’application de ce critère permet de renforcer l’analyse qualitative. En l’espèce, les produits sont spécifiquement conçus pour être dilués dans l’eau afin de préparer une boisson au thé. Cette finalité n’est pas subjective ou aléatoire, elle est intrinsèquement liée à la composition et à la présentation du produit.

La Cour observe que la composition desdits produits est « adaptée à leur consommation finale et conforme aux normes suivies par les fabricants de boissons à base de thé ». La destination de la marchandise, appréciée au regard de ses caractéristiques objectives, corrobore donc le fait que l’extrait de thé, bien que minoritaire, est l’ingrédient qui lui donne son sens et justifie son classement dans la sous-position 2101 20 92. La Cour écarte par là même des critères subjectifs, comme la perception du goût par les juges du fond, qui avaient noté ne pas déceler clairement la saveur du thé lors d’une dégustation. Seules les propriétés objectives et la finalité inhérente au produit sont pertinentes.

II. La portée étendue des règlements de classement de la Commission

En validant le règlement de classement litigieux, la Cour confirme le large pouvoir d’appréciation de la Commission dans l’exercice de sa compétence d’exécution (A), tout en étendant l’autorité de ces actes par la voie de l’analogie (B).

A. La validation du pouvoir d’appréciation de la Commission

La juridiction de renvoi s’interrogeait sur la validité du règlement n° 306/2001, qui semblait adopter une interprétation extensive de la position tarifaire. La Cour rappelle que le Conseil a conféré à la Commission « un large pouvoir d’appréciation pour préciser le contenu des positions tarifaires ». Ces règlements de classement visent à assurer une application uniforme du tarif douanier commun dans toute l’Union, garantie essentielle de la sécurité juridique et de l’égalité de traitement des opérateurs économiques.

La seule limite à ce pouvoir est l’interdiction de modifier le contenu des positions tarifaires. Or, en l’espèce, la Cour estime que la Commission n’a pas outrepassé ses compétences. En retenant une interprétation qualitative du critère « à base de », la Commission n’a pas modifié la portée de la position 2101 mais en a seulement précisé les contours, conformément à sa mission. L’arrêt est donc clair : « l’examen de la seconde question n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter la validité du règlement nº 306/2001 ». Cette validation renforce la légitimité des actes d’exécution pris par la Commission dans le domaine douanier.

B. La reconnaissance de l’application par analogie des règlements de classement

L’apport le plus notable de l’arrêt réside peut-être dans sa réponse à la première question, concernant le classement des produits spécifiques au litige. Ces derniers, avec 1,9 % d’extrait de thé, n’étaient pas identiques à ceux visés par le règlement, qui en contenaient 2,2 % et 2,5 %. La Cour admet pourtant que le classement opéré par le règlement leur est applicable.

Elle juge que « l’application par analogie d’un règlement de classement, tel que le règlement nº 306/2001, aux produits analogues à ceux visés par ce règlement favorise une interprétation cohérente de la nc ainsi que l’égalité de traitement des opérateurs ». Cette solution confère aux règlements de classement une portée générale qui dépasse le cas des marchandises strictement identiques. La motivation du règlement devient une grille de lecture pour des produits similaires. La Cour conclut que la motivation du règlement, selon laquelle une forte proportion de sucre n’empêche pas la qualification de préparation à base de thé, est « transposable aux produits en cause dans l’affaire en principal ». Ce faisant, elle dote les règlements de classement d’une véritable force normative pour l’ensemble des opérateurs du secteur concerné.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture