La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 4 mars 2021, une décision fondamentale concernant le régime juridique des produits phytopharmaceutiques. Le litige concernait la commercialisation, dans un État membre, de substances achetées à l’étranger puis réintroduites sans détenir le permis de commerce parallèle requis. Une entreprise importatrice utilisait indûment les références d’un tiers titulaire de l’autorisation pour distribuer ses produits après une opération technique de réétiquetage. Saisi en première instance, le Landgericht de Düsseldorf a ordonné l’arrêt de ces ventes en raison du caractère personnel attaché au titre administratif détenu. L’Oberlandesgericht de Düsseldorf, saisi de l’appel, a interrogé la juridiction européenne sur la possibilité pour un tiers de se prévaloir d’un tel permis. Le problème juridique résidait dans l’interprétation de l’article 52 du règlement n° 1107/2009 relatif au caractère personnel ou transmissible du permis de commerce parallèle. La Cour affirme que « seul le titulaire d’un permis de commerce parallèle peut mettre un produit phytopharmaceutique sur le marché » de l’État membre concerné. L’analyse portera d’abord sur la consécration du caractère personnel du permis avant d’étudier la primauté des objectifs de protection sanitaire poursuivis par le législateur.
**I. La consécration du caractère personnel du permis de commerce parallèle**
**A. Une interprétation stricte des dispositions dérogatoires**
Le texte européen pose le principe qu’un produit phytopharmaceutique ne peut être commercialisé sans une autorisation préalable délivrée par l’autorité nationale compétente. L’article 52 du règlement constitue une dérogation à cette règle générale et doit, à ce titre, faire l’objet d’une interprétation particulièrement rigoureuse et étroite. En effet, la Cour relève que les termes de cette disposition ne prévoient nullement la possibilité pour un tiers d’exploiter le titre d’une autre entité. Cette approche textuelle confirme que le droit d’introduire des substances sur un marché national demeure strictement réservé au seul bénéficiaire désigné par l’administration.
**B. La recherche de cohérence avec le régime général d’autorisation**
Le juge souligne que l’autorisation ordinaire de mise sur le marché possède un caractère personnel excluant toute forme de cession ou de transfert de droits. Le régime du commerce parallèle dépend directement de l’existence d’une autorisation de référence déjà accordée sur le territoire pour un produit de composition identique. Autoriser une entreprise non titulaire à agir créerait une rupture d’égalité inacceptable avec les détenteurs de l’autorisation principale soumis à des contraintes administratives lourdes. Par conséquent, la cohérence globale du système impose que le permis de commerce parallèle suive le même régime d’exclusivité que l’autorisation de mise sur le marché.
**II. La primauté des objectifs de protection sanitaire et environnementale**
**A. La prévention des risques liés à l’utilisation des produits dangereux**
Le règlement n° 1107/2009 vise à garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement au sein de l’Union. La dangerosité intrinsèque de ces produits impose un contrôle permanent et fiable de chaque opérateur intervenant dans la chaîne de distribution des substances chimiques concernées. Or, la reconnaissance d’un caractère personnel au permis favorise l’identification rapide du responsable légal en cas de difficulté sanitaire ou de non-conformité technique majeure. Cette solution prévient ainsi tout risque d’utilisation incorrecte ou abusive qui pourrait résulter d’une dispersion des responsabilités entre plusieurs acteurs économiques non identifiés.
**B. La pérennité d’une solution jurisprudentielle protectrice**
La solution retenue s’inscrit dans la continuité directe de la jurisprudence antérieure relative à la directive de 1991 dont le règlement actuel est l’héritier. Le législateur européen a sciemment intégré les enseignements des arrêts précédents pour maintenir un cadre juridique stable et protecteur des intérêts fondamentaux de la société. Cette décision renforce l’harmonisation des règles communautaires tout en préservant la capacité des États à surveiller efficacement la circulation des produits sur leur sol. La portée de cet arrêt assure ainsi un équilibre nécessaire entre la libre circulation des marchandises et les impératifs impérieux de sécurité publique sanitaire.