La Cour de justice de l’Union européenne, le 6 octobre 2025, précise l’articulation entre réglementations nationales et droit européen concernant la durabilité énergétique. Un litige oppose des opérateurs économiques à l’administration nationale au sujet des conditions de certification applicables aux bioliquides utilisés pour la production d’énergie. Le juge administratif italien a saisi la Cour d’une question préjudicielle pour déterminer si les exigences nationales peuvent excéder celles des systèmes volontaires reconnus. Les requérants soutiennent que le système de certification volontaire ISCC devrait suffire à établir la conformité de leurs produits aux critères environnementaux européens. Ils contestent l’obligation faite aux intermédiaires n’entrant pas physiquement en possession des produits de se soumettre aux procédures de vérification nationales. La juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité de ces contraintes avec l’article 34 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et la directive 2009/28. L’examen de cette décision commande d’analyser d’abord la validité des exigences nationales spécifiques aux bioliquides avant d’étudier la légitimité du contrôle étendu à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.
I. La validité des exigences nationales spécifiques aux bioliquides
A. La distinction entre biocarburants et bioliquides dans les systèmes de certification
La directive 2009/28 établit un cadre pour la promotion des énergies renouvelables tout en permettant la reconnaissance de systèmes de certification privés. La Cour relève que le système ISCC a été approuvé par la Commission européenne pour les seuls biocarburants. Les États membres conservent donc une marge de manœuvre pour réglementer la durabilité des bioliquides destinés à d’autres usages énergétiques. Cette différence d’objet justifie l’application de normes nationales distinctes de celles prévues par les mécanismes volontaires de reconnaissance mutuelle.
B. Le maintien de la compétence réglementaire des États membres
L’interprétation retenue par les juges européens confirme que la législation nationale peut se montrer plus exigeante que les standards internationaux reconnus. La Cour énonce que le texte communautaire « ne s’oppose pas à une réglementation nationale […] imposant aux opérateurs économiques des conditions spécifiques, différentes et plus importantes, pour la certification de la durabilité des bioliquides ». Cette faculté est subordonnée à la condition que les mesures concernent exclusivement les produits non couverts par le système volontaire. Cette reconnaissance de l’autonomie étatique dans la fixation des critères de durabilité permet d’interroger l’étendue des obligations imposées aux divers acteurs économiques.
II. La légitimité du contrôle étendu de la chaîne d’approvisionnement
A. L’obligation de certification imposée aux intermédiaires sans possession physique
La réglementation nationale impose des obligations de communication à tous les acteurs intervenant dans la commercialisation des produits énergétiques durables. Les intermédiaires n’entrant pas physiquement en possession des lots de bioliquides contestent l’utilité de ces contraintes administratives et techniques. La Cour estime nécessaire d’assurer une traçabilité complète du produit depuis sa source jusqu’à sa consommation finale. Cette exigence garantit l’intégrité du système de vérification et prévient les fraudes potentielles au sein des circuits commerciaux complexes.
B. La conformité des mesures nationales au principe de libre circulation
Les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises ne font pas obstacle à l’instauration d’un mécanisme national de contrôle rigoureux. La Cour affirme que le droit de l’Union « ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale […] impose un système national de vérification de la durabilité des bioliquides ». Ces obligations de certification et d’information s’appliquent de manière uniforme à tous les opérateurs économiques de la chaîne d’approvisionnement. L’objectif de préservation des ressources naturelles justifie les formalités imposées aux entreprises, même en l’absence de détention matérielle des marchandises.