La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt de Grande chambre du 4 octobre 2024, précise les contours de la politique commerciale commune. Le litige trouve son origine dans l’importation de melons et de tomates récoltés sur un territoire faisant l’objet de contestations géopolitiques. Une organisation professionnelle a sollicité des autorités nationales l’adoption d’une mesure de prohibition des importations en raison d’un étiquetage mentionnant un pays tiers erroné. Saisi du refus des autorités, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur la compétence des États membres. Il s’agissait de déterminer si le droit de l’Union permet à un État membre d’interdire unilatéralement l’importation de produits agricoles dont l’origine géographique est inexacte. La Cour devait également préciser si les denrées issues du Sahara occidental peuvent porter la mention d’origine d’un État tiers voisin sans tromper le consommateur. La juridiction répond par la négative, affirmant la compétence exclusive de l’Union et l’obligation de désigner le territoire d’origine réel des marchandises.
I. L’exclusivité de la compétence de l’Union dans la gestion des échanges extérieurs
A. Le refus d’une autonomie normative des États membres en matière d’importation
L’article 207 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dispose que la politique commerciale commune est fondée sur des principes uniformes. La Cour souligne que cette politique est relative aux échanges commerciaux avec les États tiers et s’inscrit dans le cadre de l’action extérieure. En vertu de la compétence exclusive de l’Union, les États membres ne peuvent légiférer que s’ils y sont expressément habilités par le droit communautaire. La décision énonce qu’ils « ne peuvent pas adopter unilatéralement une mesure prohibant l’importation d’une catégorie de produits provenant d’un territoire ou d’un pays tiers ». Une telle interdiction interférerait avec les accords commerciaux conclus par l’Union et porterait atteinte à l’unité du marché commun vis-à-vis de l’extérieur. Le respect des obligations législatives en matière de commercialisation ne saurait justifier une rupture unilatérale des flux commerciaux par une autorité nationale.
B. L’encadrement strict des mesures de sauvegarde par les autorités communautaires
Le règlement de base sur les sauvegardes prévoit que l’importation des produits originaires de pays tiers est libre et ne subit aucune restriction quantitative. En cas de risque de dommage grave pour les producteurs européens, seules des mesures de sauvegarde adoptées par la Commission européenne sont juridiquement admissibles. La Cour précise que les dispositions pertinentes « ne permettent pas à un État membre d’adopter unilatéralement une mesure prohibant certaines importations de produits dans l’Union ». Même en présence d’une méconnaissance généralisée des règles d’étiquetage par les exportateurs, l’intervention relève des mécanismes de coopération prévus par les accords internationaux. L’article 24 du règlement de base ne saurait être interprété comme habilitant les États à prendre des mesures autonomes de sauvegarde agricole. Cette centralisation de la compétence commerciale au niveau européen trouve un écho particulier dans l’analyse de la conformité de l’étiquetage des marchandises.
II. L’impératif d’une dénomination d’origine conforme à la réalité territoriale
A. La distinction juridique entre le pays tiers et le territoire de récolte
Le code des douanes de l’Union définit le pays d’origine comme celui où les marchandises ont été entièrement obtenues ou ont subi leur transformation substantielle. Pour les produits agricoles, le pays d’origine correspond nécessairement au territoire sur lequel les denrées ont été récoltées par les producteurs locaux. La Cour rappelle que « le territoire du Sahara occidental constitue un territoire distinct de celui du Royaume du Maroc » au sens du droit international public. Cette entité dispose d’un statut propre et distinct de celui de l’État tiers, ce qui impose une mention géographique spécifique sur les étiquettes. Les nomenclatures statistiques européennes prévoient d’ailleurs des codes séparés pour identifier ces deux zones géographiques lors des échanges commerciaux internationaux. L’utilisation du nom de l’État voisin pour des produits issus de ce territoire contesté méconnaît ainsi les règles douanières et commerciales.
B. La prévention du risque de confusion pour le consommateur final
Les normes de commercialisation imposent que les mentions requises figurent clairement sur l’emballage afin d’éviter que le consommateur ne soit induit en erreur. La Cour affirme que « l’étiquetage des produits en cause au principal doit indiquer le seul Sahara occidental comme étant leur pays d’origine ». Toute autre indication serait trompeuse car elle laisserait penser que les produits proviennent d’un lieu différent du territoire de leur récolte effective. L’information loyale du consommateur est une exigence transversale du droit de l’Union qui s’applique à tous les stades de la vente au détail. L’omission du territoire d’origine réel au profit d’une mention politique ou administrative inexacte altère le consentement éclairé de l’acheteur final lors de son choix. Cette solution garantit la transparence nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur tout en respectant les principes cardinaux du droit international territorial.