La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 4 octobre 2024, un arrêt relatif à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement. Le gouvernement a adopté un cadre national de planification et un plan de développement national visant à guider l’investissement et l’affectation des sols. Une organisation non gouvernementale a contesté l’adoption de ces mesures en invoquant l’absence d’une évaluation environnementale préalable pourtant imposée par la directive 2001/42. Les autorités nationales soutenaient en défense que ces documents stratégiques n’entraient pas dans le champ d’application du texte européen faute de base légale. L’organisation a saisi la High Court de Dublin qui a rejeté sa demande d’annulation par une décision rendue le 24 avril 2020. La Court of Appeal de Dublin a confirmé ce rejet par une ordonnance du 7 décembre 2021, ce qui a conduit la requérante à se pourvoir. La Supreme Court d’Irlande a alors décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur la notion de plans et programmes. Le problème de droit consiste à savoir si une mesure adoptée sur la seule base de la compétence exécutive générale constitue un plan ou programme. La Cour de justice écarte cette qualification car la mesure ne répond pas à la condition d’être « exigée par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives ». L’exigence de fondement textuel pour la qualification de l’acte précède l’analyse des limites de l’effet utile de la protection environnementale.
I. L’exigence de fondement textuel pour la qualification de l’acte
A. Le caractère cumulatif des conditions fixées par la directive
L’article 2, sous a), de la directive 2001/42 définit les plans et programmes comme ceux qui satisfont à deux conditions cumulatives précises. La mesure doit être élaborée par une autorité et elle doit être « exigée par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives ». La jurisprudence constante précise que ce critère implique un encadrement des autorités compétentes et de la procédure par des dispositions nationales. Une mesure est considérée comme exigée dès qu’il existe une « base juridique particulière autorisant les autorités compétentes à procéder à son adoption ». L’absence d’obligation de l’adoption n’exclut pas la qualification si un texte de droit positif prévoit la compétence de l’autorité. Cette interprétation garantit que seuls les actes ancrés dans un cadre normatif identifiable soient soumis à l’évaluation environnementale.
B. L’insuffisance du pouvoir exécutif général comme base juridique
Le cadre national de planification litigieux avait été adopté par un gouvernement agissant sous la seule autorité de la Constitution nationale. La disposition invoquée prévoit simplement que le pouvoir exécutif de l’État est exercé par ou sous l’autorité du gouvernement. La Cour de justice observe que cette règle « se borne à établir » le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Elle ne détermine pas la procédure d’élaboration des plans ni les autorités spécifiquement compétentes pour définir l’affectation des sols. Le pouvoir exécutif général ne constitue pas la base juridique particulière requise pour l’application des exigences de la directive. Une mesure adoptée sur ce seul fondement ne saurait être qualifiée de plan ou de programme au sens du droit de l’Union. L’analyse de cette définition textuelle influence directement la portée de la protection environnementale garantie par le législateur européen.
II. Les limites de l’effet utile de la protection environnementale
A. Le refus d’une extension excessive du champ d’application
Les dispositions délimitant le champ d’application des textes environnementaux doivent être interprétées d’une manière large pour préserver leur finalité protectrice. L’article 1er de la directive 2001/42 vise à assurer un niveau élevé de protection de l’environnement par l’intégration de considérations stratégiques. Cependant, inclure une mesure adoptée sur un fondement constitutionnel général irait au-delà d’une simple interprétation extensive de la norme. Une telle position « reviendrait en effet à vider de sa substance » la seconde condition cumulative énoncée par l’article 2. La Cour refuse de dissoudre les critères de qualification dans une approche purement finaliste qui ignorerait la lettre du texte. La sécurité juridique impose de maintenir des frontières claires entre les décisions politiques souveraines et les actes de planification encadrés.
B. La portée résiduelle de la protection sur les mesures d’exécution
L’exclusion du cadre stratégique du champ de la directive ne prive pas totalement les projets futurs de garanties environnementales sérieuses. La Cour précise que sa conclusion est « sans préjudice de l’appréciation des plans ou programmes qui seront adoptés pour mettre en œuvre » le document. Les actes d’exécution devront impérativement faire l’objet d’une évaluation s’ils remplissent les conditions fixées par la directive. Les autorités nationales ne pourront pas invoquer les orientations du cadre non évalué pour justifier des incidences notables sur l’environnement. L’absence d’évaluation au sommet de la hiérarchie des normes déplace le contrôle sur les mesures d’application plus concrètes. Cette solution préserve l’effet utile de la protection environnementale tout en respectant les limites structurelles imposées par les définitions européennes.