Cour de justice de l’Union européenne, le 4 septembre 2014, n°C-21/13

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 4 septembre 2014, précise les modalités de preuve du contournement des mesures antidumping. Ce contentieux porte sur la validité d’un règlement étendant des droits définitifs aux importations de transpalettes expédiées depuis la Thaïlande. La question juridique traite de la légalité des conclusions administratives fondées sur des données disponibles en l’absence de coopération des exportateurs.

Une société importe des transpalettes de Thaïlande en octobre 2008 et se voit réclamer des droits antidumping par l’autorité douanière allemande. Cette imposition fait suite à une enquête de la Commission européenne révélant une modification des flux commerciaux après la taxation des produits chinois. La société conteste cette dette devant le Finanzgericht Hamburg, arguant que le simple accroissement des volumes d’exportation ne prouve pas le contournement. La juridiction de renvoi sursoit à statuer pour demander à la Cour si les institutions ont établi à suffisance de droit l’existence d’une fraude. Le litige souligne l’opposition entre l’exigence de preuves concrètes et la faculté de tirer des conséquences d’un refus de collaborer à l’enquête.

Le problème juridique réside dans la détermination de la charge de la preuve incombant aux institutions européennes lorsqu’elles suspectent une pratique de contournement. La Cour de justice répond que l’examen de la question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité du règlement litigieux. Elle autorise le recours à un faisceau d’indices concordants pour pallier l’absence de renseignements précis fournis par les parties intéressées. L’étude de la décision permet d’analyser le régime de la preuve en cas d’obstruction avant d’apprécier la portée de cette solution sur l’efficacité des mesures commerciales.

**I. La consécration du recours aux données disponibles face à l’obstruction des parties**

*A. Le fondement textuel du constat de non-coopération*

La Cour rappelle que la Commission est tributaire de la coopération volontaire des parties intéressées pour obtenir les informations nécessaires à son enquête. L’article 18 du règlement de base dispose que « lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires […] des conclusions préliminaires ou finales peuvent être établies ». Cette disposition permet aux institutions de fonder leurs décisions sur les données statistiques disponibles lorsque les exportateurs font obstacle de façon significative. Le refus total des sociétés thaïlandaises de répondre aux questionnaires autorise ainsi l’administration à utiliser les chiffres collationnés par les États membres. Le juge européen valide cette méthode pour éviter que l’inertie des opérateurs ne paralyse l’exercice des pouvoirs de défense commerciale.

*B. La caractérisation souveraine de la modification des échanges*

Les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles examinent. Le Conseil a constaté une augmentation des importations thaïlandaises de 868 % entre 2005 et 2007, coïncidant avec l’institution des droits sur les produits chinois. La Cour souligne que la définition du contournement est formulée en termes généraux, laissant une marge de manœuvre importante pour interpréter la configuration des échanges. Elle rejette l’idée qu’une substitution totale des produits soit nécessaire pour caractériser la modification des flux entre les pays tiers et l’Union. Le juge limite son contrôle à la vérification de l’exactitude matérielle des faits et à l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces éléments.

**II. La recherche d’une efficacité renforcée dans la lutte contre le contournement**

*A. L’admission d’un faisceau d’indices concordants comme mode de preuve*

En l’absence de preuves directes, les institutions sont autorisées à se fonder sur un ensemble de faits permettant de conclure logiquement à un contournement. La coïncidence temporelle entre l’application des droits et l’essor des exportations thaïlandaises constitue un indice majeur de lien logique et raisonnable. L’arrêt précise que « les institutions de l’Union sont autorisées à se fonder sur un faisceau d’indices concordants permettant de conclure à l’existence d’un contournement ». Cette approche déplace la charge de la preuve vers les parties concernées qui doivent alors justifier leurs activités par un motif économique réel. L’impossibilité de démontrer l’existence d’une véritable activité de fabrication en Thaïlande renforce la présomption de pratique frauduleuse visant à éluder l’impôt.

*B. La préservation de l’effet utile des mesures de défense commerciale*

La solution retenue par la Cour vise à garantir que les mesures antidumping ne soient pas vidées de leur substance par des montages simples. Toute autre interprétation risquerait de compromettre l’efficacité de la politique commerciale commune dès lors qu’un exportateur refuserait de participer aux investigations. Le juge européen estime que le défaut de coopération ne saurait placer la partie récalcitrante dans une situation plus favorable que si elle avait collaboré. La validité du règlement est confirmée car le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste en déduisant le contournement des données statistiques globales. Cette jurisprudence assure une protection rigoureuse du marché intérieur contre les importations faisant l’objet de dumping par l’intermédiaire de pays tiers.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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