Cour de justice de l’Union européenne, le 4 septembre 2014, n°C-237/12

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 4 septembre 2014, un arrêt fondamental concernant la lutte contre les pollutions d’origine agricole. Cette décision porte sur la conformité de la réglementation d’un État membre avec les exigences techniques d’une directive protégeant les eaux contre les nitrates. La puissance publique nationale a fait l’objet d’une mise en demeure, suivie d’un avis motivé, avant que l’instance juridictionnelle ne soit saisie par l’institution européenne. Les faits utiles résident dans l’adoption de plusieurs arrêtés nationaux encadrant les périodes d’épandage, les capacités de stockage des effluents et l’équilibre de la fertilisation. La procédure précontentieuse a révélé des divergences persistantes sur l’efficacité des mesures de protection environnementale adoptées par l’autorité nationale entre 2001 et 2011. La question de droit posée est de savoir si les critères techniques nationaux garantissent la réduction effective des pollutions azotées conformément aux prescriptions du droit de l’Union. Le juge européen considère que les mesures nationales sont incomplètes et ne permettent pas d’atteindre les objectifs de qualité des eaux fixés par la législation européenne. L’analyse portera d’abord sur l’encadrement technique insuffisant des pratiques d’épandage, avant d’examiner l’inexactitude des outils de mesure et de stockage des effluents d’élevage.

I. L’INSUFFISANCE DES CONTRAINTES RÉGLEMENTAIRES LIÉES À L’ÉPANDAGE

A. Une méconnaissance flagrante des cycles biologiques et climatiques

L’institution européenne reproche à l’État membre de ne pas avoir prévu de périodes d’interdiction d’épandage suffisantes pour couvrir les risques de pollution par le lessivage. La juridiction souligne que « l’interdiction d’épandage à certaines périodes de l’année est une disposition essentielle » pour prévenir toute contamination des masses d’eaux superficielles. L’autorité nationale a limité les restrictions temporelles sans tenir compte du potentiel de prélèvement réel des plantes durant les saisons pluvieuses ou froides. Ainsi, les calendriers fixés par les arrêtés ministériels apparaissent inadaptés aux besoins physiologiques des cultures implantées à l’automne ou au printemps sur le territoire. Le juge rappelle que les programmes d’action doivent impérativement intégrer les meilleures connaissances scientifiques disponibles pour assurer une protection robuste de l’environnement aquatique.

B. L’imprécision manifeste des conditions d’épandage sur sols à risques

La réglementation nationale autorise l’épandage de fertilisants sur des terrains gelés ou enneigés, malgré les risques avérés de ruissellement des nutriments vers les eaux. Les dispositions techniques contestées se limitent souvent à des principes généraux sans fixer de pourcentages de pente précis au-delà desquels toute fertilisation serait interdite. La Cour de justice estime que ces « dispositions se caractérisent par une telle généralité qu’elles ne sont pas susceptibles de combler les lacunes » des programmes locaux. Une législation claire et précise est pourtant indispensable pour satisfaire aux exigences de sécurité juridique et permettre un contrôle efficace par les autorités administratives. Cette exigence de précision s’applique également aux modalités de calcul de la charge polluante produite par les activités d’élevage au sein des exploitations agricoles.

II. LES DÉFAILLANCES DANS L’ÉVALUATION ET LE STOCKAGE DES EFFLUENTS

A. L’inadéquation des méthodes de calcul des rejets azotés

Le litige porte sur les coefficients de volatilisation et les normes d’excrétion d’azote retenus par l’État membre pour limiter l’apport total de fertilisants. L’institution souligne que les valeurs utilisées sous-estiment systématiquement la quantité d’azote réellement épandue annuellement par hectare, laquelle ne doit pas dépasser cent soixante-dix kilogrammes. La Cour affirme que « seule la fixation de coefficients de volatilisation sur la base des données qui estiment les pertes d’azote au pourcentage le plus bas » garantit le plafond. Les méthodes de calcul nationales ne tiennent pas assez compte de la diversité des systèmes d’élevage et de la production laitière réelle des animaux concernés. Par conséquent, l’équilibre de la fertilisation azotée ne peut être assuré de manière rigoureuse sans une révision profonde des référentiels techniques en vigueur.

B. Une sécurité juridique compromise par des délais de mise en conformité excessifs

L’État membre a tenté de justifier l’application échelonnée de ses nouvelles normes en invoquant des difficultés pratiques liées au calendrier des campagnes culturales annuelles. Le juge européen rejette fermement cette argumentation en rappelant que la procédure en manquement repose sur la « constatation objective du non-respect » des obligations européennes. Les modifications législatives tardives n’ont pas permis de corriger les défaillances réglementaires avant l’expiration du délai fixé par l’institution requérante dans son avis motivé. En outre, le maintien temporaire de règles de calcul obsolètes pour les capacités de stockage des effluents d’élevage perpétue un risque significatif de pollution. L’arrêt consacre ainsi la prééminence des impératifs de protection de la ressource en eau sur les contraintes économiques ou techniques alléguées par la puissance publique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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