Cour de justice de l’Union européenne, le 4 septembre 2014, n°C-327/13

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 4 septembre 2014, précise l’articulation entre les procédures d’insolvabilité principale et secondaire. Une société possède son siège statutaire en Belgique alors que le centre de ses intérêts principaux se situe sur le territoire de la France. Une procédure de liquidation judiciaire est ouverte en France à titre principal, entraînant la saisine ultérieure du tribunal de commerce d’Anvers pour une procédure secondaire. Le créancier demandeur invoque l’existence d’un établissement au lieu du siège social. La partie défenderesse conteste la compétence de la juridiction belge saisie. Le tribunal de commerce d’Anvers interroge la Cour sur la définition de l’établissement, la qualité pour agir des créanciers et le pouvoir d’appréciation du juge. La Cour affirme qu’une société peut faire l’objet d’une procédure secondaire là où elle possède son siège, même si elle y dispose de la personnalité juridique.

I. L’admission d’une procédure secondaire au siège statutaire du débiteur

A. Une interprétation autonome et matérielle de la notion d’établissement

L’article 2 du règlement définit l’établissement comme tout lieu d’opérations où le débiteur exerce une activité économique non transitoire avec des moyens humains et des biens. Cette définition ne contient aucune référence au siège statutaire ni à la forme juridique que revêt le lieu d’opérations en cause pour le débiteur défaillant. « Elle n’exclut donc pas qu’un établissement puisse être doté d’une personnalité juridique et se trouver dans l’État membre où cette société a son siège ». Le juge européen privilégie une approche fonctionnelle de l’unité économique au détriment d’une analyse strictement organique liée à la structure sociale de l’entité visée.

B. La préservation nécessaire des droits des créanciers locaux

L’ouverture de procédures secondaires permet de protéger les intérêts locaux face aux divergences considérables entre les droits matériels de l’insolvabilité au sein de l’Union. L’application universelle de la loi de l’État d’ouverture peut susciter des difficultés pratiques en lésant les attentes légitimes des créanciers établis au siège social. Le règlement autorise des procédures nationales limitées aux actifs situés dans l’État d’ouverture afin de garantir une sécurité juridique minimale pour les partenaires économiques locaux. Cette faculté d’ouverture au siège statutaire impose toutefois de définir rigoureusement les conditions de forme et de fond encadrant la saisine du juge national.

II. Le régime juridique encadrant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité

A. L’interdiction d’une limitation discriminatoire de la qualité pour agir

Le droit de demander l’ouverture d’une procédure secondaire doit être apprécié en premier lieu sur le fondement du droit national de l’État membre de l’établissement. Les États membres sont tenus de veiller à l’effet utile du règlement sans introduire de distinctions fondées sur la résidence ou la nationalité des demandeurs. Le texte énonce que ce droit de demander l’ouverture « ne peut toutefois pas être limité aux seuls créanciers domiciliés ou ayant leur siège social dans l’État membre concerné ». La reconnaissance d’une large qualité pour agir conduit alors à s’interroger sur l’étendue du pouvoir d’appréciation laissé aux autorités judiciaires saisies de la demande.

B. La soumission conditionnée du juge national aux critères d’opportunité

La juridiction saisie d’une demande d’ouverture dispose d’une marge de manœuvre dont les contours restent définis par la loi de l’État membre du for. Dès lors que la procédure principale est une liquidation, la prise en compte de critères d’opportunité « relève du droit national de l’État membre où cette procédure est demandée ». Cette liberté n’est cependant pas absolue puisque les États membres doivent respecter les principes généraux du droit de l’Union et les objectifs de coopération loyale. Le juge doit considérer l’économie générale du règlement et la nécessaire coordination entre le syndic de la procédure principale et celui de la procédure secondaire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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