La Cour de justice, par une décision du 4 septembre 2014, précise les modalités de calcul du plafond des amendes en droit de la concurrence. Le litige porte sur une entente secrète dans le secteur des articles de mercerie métalliques et plastiques. Une société holding et ses filiales contestent une sanction pécuniaire infligée par la Commission européenne pour leur participation à plusieurs infractions distinctes. Les faits révèlent qu’une filiale allemande, acquise en 1997, participait seule à des pratiques concertées depuis le mois de mai 1991. L’autorité de régulation a néanmoins calculé le plafond légal de l’amende sur le chiffre d’affaires consolidé du groupe pour toute la période infractionnelle. Le Tribunal de l’Union européenne, le 27 juin 2012, a d’abord rejeté le recours des entreprises en confirmant l’approche globale de l’institution. Les requérantes soutiennent devant la juridiction de pourvoi que le plafond de 10 % doit s’appliquer de manière strictement individualisée. La question posée concerne la détermination du plafond légal en cas de responsabilités successives au sein d’un même groupe économique. La Cour de justice annule partiellement l’arrêt initial en jugeant que la capacité financière doit s’apprécier selon l’entité effectivement responsable.
I. L’individualisation nécessaire du plafond de l’amende lors d’une acquisition
A. La distinction des entités économiques successives
La Cour de justice rappelle que la notion d’entreprise participant à l’infraction doit être identique pour l’imputation et pour le plafonnement. « Lorsqu’une entreprise considérée par la Commission comme responsable est acquise par une autre, elle conserve parfois sa qualité d’entité économique distincte. » L’autorité de concurrence doit alors tenir compte du chiffre d’affaires propre à chaque entité pour appliquer le plafond légal de l’amende. Le juge refuse l’argument d’une sanction unique fondée sur une structure évolutive dépourvue de pertinence juridique immédiate pour la période initiale. L’acquisition d’une filiale ne permet pas de lier rétroactivement son chiffre d’affaires antérieur à celui de sa nouvelle société mère.
B. La protection contre une sanction pécuniaire excessive
Le plafond de 10 % vise à éviter que l’amende ne dépasse la capacité réelle de paiement de l’entité reconnue coupable. « L’objectif est d’éviter que l’infliction d’une amende dépasse la capacité de paiement de l’entreprise à la date de la sanction. » Cette règle protège l’unité économique contre une charge disproportionnée au regard de ses ressources financières propres lors de la violation. La Cour consacre ainsi le principe de responsabilité personnelle en limitant la solidarité financière aux seules périodes de contrôle effectif. La solution garantit une cohérence entre la puissance économique historique de l’auteur de la pratique et la sévérité de la peine.
II. La pérennité des critères de dissuasion fondés sur la puissance économique globale
A. La validité de la référence au chiffre d’affaires consolidé final
Le juge valide en revanche l’application d’un multiplicateur de dissuasion fondé sur la taille globale du groupe au moment de la décision. « Le lien entre la taille des entreprises et la nécessité d’assurer un effet dissuasif à l’amende ne saurait être contesté. » La capacité financière actuelle demeure le critère pertinent pour fixer une sanction qui ne soit pas négligeable pour l’opérateur économique. La Cour de justice distingue ici la fonction de plafonnement de celle de la dissuasion proprement dite des pratiques anticoncurrentielles. Le chiffre d’affaires mondial du groupe au jour du jugement sert de base légitime pour calibrer l’effort financier demandé.
B. L’objectif préventif tourné vers l’avenir de l’entreprise
La recherche d’un effet dissuasif vise essentiellement à discipliner le comportement futur de l’entité économique destinataire de la décision de sanction. « Un tel effet doit se produire nécessairement à l’égard de l’entreprise dans l’état où elle se trouve au moment de l’adoption. » La sanction doit inciter l’ensemble du groupe, ainsi que les concurrents de taille analogue, à respecter les règles de concurrence. La Cour maintient donc une approche pragmatique de la prévention générale malgré l’individualisation du plafond légal pour le passé. Cette dualité de raisonnement assure un équilibre entre la justice rétributive individuelle et l’efficacité de la politique publique de l’Union.