Cour de justice de l’Union européenne, le 4 septembre 2025, n°C-489/23

Par une décision dont la portée est significative pour les droits des patients au sein de l’Union européenne, la Cour de justice de l’Union européenne précise les conditions de remboursement des soins de santé transfrontaliers. En l’espèce, une personne assurée auprès d’un régime de sécurité sociale d’un État membre a reçu des soins hospitaliers dans un autre État membre. Confrontée à un refus partiel de remboursement par l’organisme d’affiliation, cette personne a contesté la légalité des conditions nationales qui lui étaient opposées. Une juridiction nationale, saisie du litige, a alors posé plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice. Elle cherchait à savoir si le droit de l’Union, notamment la directive 2011/24/UE et le règlement 883/2004, s’oppose à une réglementation nationale qui, d’une part, exige un examen médical préalable par un médecin du système public national pour autoriser l’hospitalisation et, d’autre part, limite drastiquement le remboursement en cas de refus justifié d’une autorisation préalable. La Cour de justice répond que le droit de l’Union s’oppose à une telle exigence d’examen médical préalable, mais valide le principe d’un remboursement limité en l’absence d’autorisation, tout en posant une exception majeure. La solution dégagée par la Cour articule ainsi sa réponse en deux temps. Il convient d’analyser d’abord la prohibition des entraves préalables à la prise en charge (I), avant d’examiner les modalités de remboursement en cas de refus justifié d’autorisation (II).

I. La censure d’une condition nationale restrictive à la prise en charge des soins transfrontaliers

La Cour de justice renforce la protection des patients en invalidant une formalité nationale jugée excessive (A), réaffirmant ainsi la nécessité d’évaluer la proportionnalité des mesures nationales au regard des libertés fondamentales (B).

A. La primauté de la directive sur les exigences procédurales nationales

La Cour de justice fonde son raisonnement sur l’article 7, paragraphe 7, de la directive 2011/24/UE, interprété à la lumière de la libre prestation des services garantie par l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Elle affirme clairement que ce texte « s’oppose à une réglementation nationale qui subordonne le remboursement des coûts des soins de santé transfrontaliers engagés par la personne assurée dans l’État membre d’affiliation à un examen médical par un médecin relevant du système public d’assurance maladie de cet État ». Cette position réaffirme que la liberté pour un patient de recevoir des soins dans un autre État membre ne peut être entravée par des obstacles procéduraux qui ne sont pas objectivement justifiés. En l’occurrence, l’exigence d’une consultation et d’une autorisation émanant exclusivement d’un médecin affilié au système national de l’assuré est perçue comme une barrière directe à l’accès aux soins transfrontaliers, en contradiction avec les objectifs de la directive.

Cette position de principe conduit logiquement la Cour à examiner le caractère proportionné de la mesure litigieuse.

B. La caractérisation du caractère disproportionné de l’examen médical préalable

En invalidant l’obligation d’un examen médical national préalable, la Cour considère implicitement qu’une telle mesure est disproportionnée. Elle crée une contrainte administrative et logistique lourde pour le patient, susceptible de le dissuader d’exercer son droit à la mobilité. L’objectif de maîtrise des dépenses de santé ou de contrôle de la pertinence des soins, bien que légitime, peut être atteint par des moyens moins restrictifs. Par exemple, l’État membre d’affiliation conserve la faculté d’évaluer a posteriori la nécessité des soins reçus, sur la base du dossier médical du patient, sans pour autant imposer une consultation physique préalable qui duplique potentiellement les examens déjà réalisés dans l’État de traitement. La décision protège ainsi le patient contre une forme de protectionnisme administratif qui privilégie indûment le système de santé national au détriment de l’espace européen des soins.

Au-delà de la question de l’autorisation, la Cour se prononce également sur les conséquences financières d’un refus d’autorisation.

II. L’encadrement différencié du remboursement en l’absence d’autorisation préalable

La Cour de justice admet qu’un État membre puisse limiter le remboursement lorsque l’autorisation préalable a été légitimement refusée (A), mais elle assortit ce principe d’une exception fondamentale destinée à protéger le patient en situation de vulnérabilité (B).

A. La validation d’un remboursement limité selon les barèmes de l’État d’affiliation

La seconde partie de la décision porte sur l’article 20 du règlement 883/2004. La Cour juge que ce texte « ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle, lorsqu’une personne assurée s’est vu refuser, de manière fondée, l’autorisation préalable requise », le remboursement peut être limité au montant qui aurait été pris en charge pour des soins similaires dans l’État d’affiliation. Cette solution ménage un équilibre entre le droit des patients et la nécessité pour les États membres de préserver l’équilibre financier de leurs systèmes de sécurité sociale. La Cour valide un mode de calcul qui peut aboutir à un remboursement significativement inférieur aux frais réels, à la condition expresse que ce calcul repose sur des « critères objectifs, non discriminatoires et transparents ». L’autonomie des États dans l’organisation de leur système de santé est ainsi respectée, pourvu que les règles appliquées ne soient ni arbitraires ni discriminatoires à l’encontre des soins reçus à l’étranger.

Toutefois, la Cour tempère immédiatement la rigueur de ce principe en introduisant une exception notable.

B. L’exception protectrice en faveur du patient empêché

La Cour apporte une nuance capitale à sa propre solution, dictée par des considérations d’équité et de protection de la santé. Elle précise que si la personne assurée « a été empêchée de solliciter une autorisation préalable ou n’a pu attendre la décision » en raison de son état de santé ou de l’urgence des soins, elle a droit à un remboursement intégral. Dans une telle situation, le patient doit être indemnisé à hauteur du montant qui aurait été versé s’il avait obtenu l’autorisation. Cette exception est essentielle, car elle évite de pénaliser un patient qui, pour des raisons médicales impérieuses, n’était pas en mesure de se conformer aux exigences administratives. Elle consacre un droit au remboursement renforcé lorsque le non-respect de la procédure n’est pas imputable à la volonté du patient mais dicté par la nécessité médicale, assurant ainsi que les contraintes bureaucratiques ne priment pas sur l’impératif de santé.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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