La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt de sa quatrième chambre du 5 avril 2017, précise les règles de calcul des marges de dumping. L’affaire concerne des sociétés établies dans un pays tiers produisant des éléments de fixation en acier destinés à être exportés vers le marché européen. Un règlement imposant des droits antidumping définitifs a été adopté à la suite de rapports de l’organe de règlement des différends de l’organisation mondiale du commerce. Les sociétés exportatrices ont saisi le Tribunal de l’Union européenne d’un recours en annulation, lequel a rejeté leurs demandes par un arrêt du 29 avril 2015. Le pourvoi formé devant la Cour de justice reproche aux institutions de l’Union d’avoir exclu certaines transactions du calcul de la marge de dumping globale. Le problème juridique porte sur la possibilité d’écarter des exportations lorsque aucun produit correspondant n’est vendu par le producteur du pays analogue choisi. La Cour considère que les institutions sont tenues de prendre en compte « toutes les exportations vers l’Union » pour refléter « l’ampleur réelle du dumping pratiqué ». Cette décision impose une analyse rigoureuse de l’exhaustivité des transactions (I) avant d’envisager les modalités d’une comparaison équitable entre les valeurs normales et les prix (II).
I. L’exigence d’une prise en compte exhaustive des transactions à l’exportation
A. L’interprétation stricte du libellé du règlement de base
Le juge de l’Union fonde son raisonnement sur une analyse littérale et finaliste des dispositions régissant le calcul de la marge de dumping globale. L’article 2, paragraphe 11, du règlement de base mentionne explicitement la comparaison de la valeur normale avec la moyenne de « toutes les exportations vers l’Union ». Cette formulation impose aux institutions de ne pas écarter arbitrairement les transactions portant sur des modèles spécifiques du produit considéré lors de l’enquête. L’exclusion de certaines ventes contrevient à l’objectif de « refléter l’ampleur réelle du dumping pratiqué », rendant impossible la mesure exacte de l’impact des transactions. Une marge globale ne peut être valablement établie que si elle englobe la totalité des types de produits définis lors de l’ouverture de la procédure.
B. Le rejet d’une méthode fondée sur une représentation seulement significative
Le Tribunal de l’Union européenne, dans sa décision du 29 avril 2015, avait pourtant validé l’exclusion de types de produits sans équivalent chez le producteur analogue. La juridiction de première instance estimait qu’un calcul fondé sur une « représentation significative » suffisait à garantir la régularité de la mesure antidumping adoptée. La Cour de justice censure cette appréciation en soulignant que « rien dans l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base ne permet » une telle réduction. Une représentation, même importante, ne saurait remplacer l’obligation d’intégrer l’ensemble des données commerciales recueillies pour établir l’existence d’une pratique de dumping. L’obligation de prendre en compte toutes les transactions impose alors de repenser l’articulation entre le calcul comptable et l’ajustement nécessaire des prix comparés.
II. La primauté du principe de comparaison équitable sur les modalités de calcul
A. La distinction nécessaire entre le calcul de la marge et les ajustements de prix
La Cour rappelle que la comparabilité des prix doit être traitée au stade des ajustements et non par l’éviction de certaines données factuelles. Le principe de « comparaison équitable » prévu par le règlement s’applique prioritairement par la correction des différences affectant les prix normaux et exportés. Il convient donc de distinguer les modalités de calcul définies au paragraphe 11 des mécanismes d’ajustement prévus au paragraphe 10 du même article. « La comparabilité des prix est donc prise en compte » spécifiquement par des ajustements de facteurs dont il est démontré qu’ils affectent les montants. L’absence de prix directement comparable dans le pays tiers ne libère pas les institutions de leur obligation de traiter chaque transaction à l’exportation.
B. Les alternatives juridiques à l’exclusion des types de produits non comparables
Pour respecter la légalité, les institutions disposent de leviers précis lorsqu’un type de produit exporté n’a pas d’équivalent chez le producteur de référence. Elles peuvent « décider d’exclure ce type de produit de la définition » initiale ou, à l’inverse, procéder à la construction d’une valeur normale artificielle. Ces solutions permettent de maintenir la cohérence de l’enquête tout en assurant une base de calcul qui soit à la fois complète et équitable. Le recours à la construction de la valeur normale garantit que chaque transaction exportée participe effectivement à la détermination de la marge de dumping. La censure de l’arrêt attaqué confirme ainsi la rigueur méthodologique imposée aux institutions pour assurer la protection des droits des opérateurs économiques tiers.