La Cour de justice de l’Union européenne, en sa troisième chambre, précise par un arrêt du 5 décembre 2013 la protection des consommateurs. Cette décision traite de la compétence territoriale et de l’absence de recours contre un déclinatoire de compétence en première instance. Une association régionale de protection des consommateurs a introduit une action en cessation contre une société commerciale gérant un portail Internet. Elle demandait la nullité de clauses limitatives de responsabilité figurant dans les conditions générales d’utilisation du site. Le tribunal de première instance de Salamanque, par ordonnance du 6 avril 2011, s’est déclaré territorialement incompétent au profit du défendeur. L’association soutient devant l’Audiencia Provincial de Salamanque que cet éloignement géographique est contraire aux objectifs de la directive 93/13. Le problème juridique porte sur le respect des principes d’équivalence et d’effectivité face aux contraintes financières d’une association locale. La Cour dit pour droit que le droit de l’Union ne s’oppose pas à l’application de telles règles procédurales nationales.
I. L’affirmation de l’autonomie procédurale des États membres
A. Le constat d’une absence d’harmonisation législative
La Cour rappelle que « les autorités judiciaires et organes administratifs des États membres doivent disposer de moyens adéquats et efficaces » pour agir. Cet acte ne contient cependant aucune disposition permettant de déterminer la juridiction territorialement compétente pour connaître de ces actions en cessation. En l’absence d’harmonisation des moyens procéduraux, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre d’établir ces règles. Cette compétence relève du principe d’autonomie procédurale sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité du droit de l’Union. Les États membres conservent une marge de manœuvre importante pour organiser le traitement judiciaire de ces demandes collectives de protection.
B. La validation des limites apportées au droit au recours
Le principe d’équivalence exige que les règles nationales ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires de droit interne. L’absence de recours contre les déclarations d’incompétence territoriale constitue une règle d’applicabilité générale au sein du code de procédure civile national. Le principe d’effectivité interdit seulement aux dispositions nationales de rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés. La Cour souligne que la juridiction désignée a l’obligation de statuer sur le fond et ne peut plus remettre en cause sa compétence. Le débat sur la compétence n’est pas définitivement clos car il peut être rouvert lors d’un éventuel recours contre la décision finale.
II. La distinction entre l’action collective et la protection individuelle
A. L’exclusion de la situation d’infériorité pour les associations
Le système de protection communautaire repose traditionnellement sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité face au professionnel. Cette infériorité concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information dont dispose la partie contractante la plus faible. La Cour précise toutefois qu’ « une action en cessation opposant une telle association à un professionnel n’est pas caractérisée par le déséquilibre » structurel. Les associations ne bénéficient pas des mêmes règles de faveur territoriale que les consommateurs individuels agissant pour leurs propres intérêts contractuels. L’assimilation juridique entre l’organisation et le consommateur final est ainsi écartée pour l’application des règles de compétence territoriale dérogatoires.
B. La prévalence de la sécurité juridique sur les intérêts particuliers
Les difficultés financières rencontrées par une association locale ne sauraient remettre en cause l’organisation judiciaire d’un État membre tout entier. L’institution affirme que les règles de procédure poursuivent « un intérêt général de bonne administration de la justice et de prévisibilité » nécessaire. Ces impératifs de prévisibilité et de sécurité juridique doivent systématiquement prévaloir sur les intérêts économiques particuliers des parties à l’instance. Les inconvénients liés à l’éloignement géographique peuvent être compensés par des mécanismes d’aide juridictionnelle ou des dispenses de garantie financière. Cette solution confirme que l’effectivité du droit européen ne nécessite pas une adaptation systématique des procédures aux capacités budgétaires des requérants.