La Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt C-317/14 rendu le 5 février 2015, examine la validité d’une réglementation linguistique nationale. Un État membre exigeait des candidats à des emplois publics locaux la détention d’un certificat de connaissances linguistiques délivré par un unique organisme officiel. Cette obligation visait les services établis dans des régions linguistiques spécifiques pour les postulants n’ayant pas suivi l’enseignement dans les langues concernées. Saisie d’un recours en manquement, la juridiction devait déterminer si une telle exclusivité probatoire respectait le principe fondamental de la libre circulation des travailleurs européens. Le juge européen affirme que l’État a méconnu ses obligations en imposant un mode de preuve exclusif pour attester des compétences linguistiques requises. Cette décision met en lumière l’existence d’une entrave à la libre circulation par l’exigence d’un certificat exclusif tout en protégeant la mobilité des travailleurs.
I. L’entrave à la libre circulation par l’exigence d’un certificat linguistique exclusif
A. Le constat d’une restriction à l’accès à l’emploi Le juge souligne que l’imposition d’un certificat unique constitue une entrave car elle empêche la prise en compte de diplômes obtenus dans d’autres États membres. La Cour relève que cette mesure affecte négativement les travailleurs migrants possédant pourtant des connaissances linguistiques suffisantes attestées par des documents officiels de leur pays. Elle juge qu’ « en exigeant des candidats […] de faire la preuve de leurs connaissances linguistiques au moyen d’un unique type de certificat », l’État crée une discrimination. Ce formalisme excessif limite indûment l’accès au marché du travail national pour les ressortissants des autres pays de l’Union européenne souhaitant s’installer sur le territoire. Cette restriction à l’emploi découle directement du caractère disproportionné du mode de preuve imposé par les autorités nationales.
B. Le caractère disproportionné du mode de preuve imposé La décision critique l’exclusivité du certificat délivré par un seul organisme officiel national après un examen organisé uniquement sur le sol de cet État membre. Bien que la protection d’une langue nationale puisse constituer un objectif légitime, le moyen employé par les autorités nationales doit demeurer strictement proportionné au but recherché. La juridiction européenne considère que l’impossibilité de fournir des preuves équivalentes provenant d’autres sources constitue une violation caractérisée du principe de proportionnalité en droit européen. Elle conclut que l’État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 45 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Ce constat de manquement impose alors d’analyser la protection de la mobilité des travailleurs face au formalisme national.
II. La protection de la mobilité des travailleurs face au formalisme national
A. L’affirmation du principe de reconnaissance des preuves équivalentes Cette jurisprudence renforce l’idée que les compétences linguistiques peuvent être démontrées par tout moyen de preuve approprié sans se limiter à une certification administrative nationale. Les autorités publiques doivent accepter les diplômes ou certificats équivalents délivrés dans d’autres États membres afin de ne pas vider de sa substance le droit de circulation. Le juge européen impose ainsi une interprétation souple des exigences probatoires pour garantir que les travailleurs européens ne soient pas découragés par des barrières administratives inutiles. Cette solution s’inscrit dans une volonté constante de supprimer les obstacles indirects qui segmentent encore le marché intérieur du travail au sein de l’Union.
B. Une solution classique renforçant l’effectivité du droit de l’Union L’arrêt s’inscrit dans la lignée des décisions antérieures prohibant les conditions de recrutement qui favorisent indûment les candidats nationaux au détriment des autres citoyens européens. En sanctionnant le monopole d’un organisme officiel pour la délivrance de titres linguistiques, la Cour assure la pleine efficacité du règlement relatif à la libre circulation. Cette décision rappelle aux États membres que leurs prérogatives en matière d’organisation de la fonction publique doivent toujours respecter les libertés fondamentales garanties par les traités. La condamnation aux dépens de la partie défaillante confirme la rigueur avec laquelle le juge de l’Union contrôle le respect des engagements pris par les nations.